Environnement

Mahammad Boun Abdallah Dionne sur les inondations : « il s’agit d’un phénomène mondial, le climat n’a pas de frontières »

Mahammad Boun Abdallah Dionne
Mahammad Boun Abdallah Dionne

Dans cet entretien accordé au quotidien national Le Soleil, le Secrétaire général de la présidence de la République évoque les conséquences des fortes pluies enregistrées le week-end dernier. Pour Mahammad Boun Abdallah Dionne, malgré la polémique née des interrogations autour de l’utilisation des fonds prévus dans le cadre du programme décennal de gestion des inondations, les investissements réalisés par le pouvoir ont permis d’atténuer les effets dévastateurs des eaux pluviales.

Le Président de la République a ordonné, le week-end dernier, le déclenchement du Plan ORSEC sur l’étendue du territoire national, suite aux pluies diluviennes qui ont entraîné des dégâts et des pertes en vies humaines. Pourtant, l’ANACIM et AGRHYMET avaient annoncé très tôt une saison très pluvieuse. L’État avait-il pris en compte ces informations ?

A la suite du Chef de l’Etat, Son Excellence le Président Macky Sall, je voudrais exprimer notre solidarité à tous nos compatriotes qui ont eu des sinistres et se sont retrouvés démunis à cause de cette catastrophe naturelle. Aussi, en cette triste circonstance, permettez-moi de m’incliner devant la mémoire des disparus et d’exprimer notre plus vive compassion aux familles éprouvées.
Oui, l’ANACIM et le Centre régional AGRHYMET, dans leur mise à jour des prévisions saisonnières agro-hydro-climatiques de Juillet 2020, avaient annoncé des niveaux de précipitations et des écoulements dans les bassins fluviaux bien supérieurs à la moyenne dans toute la bande sahélienne. Bien au-delà du Sahel, il s’agit d’un phénomène mondial car le climat n’a pas de frontière. Les dérèglements climatiques impactent en réalité le climat global de notre planète Terre.

Pendant que le territoire national recevait samedi dernier l’équivalent d’un trimestre d’eaux pluviales en une seule fois, de fortes inondations détruisaient plus de 5200 maisons au Nigeria, dans l’Etat nigérian de Kano, tuant également plusieurs personnes. De la même manière, l’Egypte et la côte de la mer Rouge étaient touchées par des inondations à la suite de fortes pluies. Il en était de même en Algérie où des pluies diluviennes ont provoqué des crues à Batna et Tebessa. En Turquie, des inondations faisaient quatre morts et onze disparus dans la province de la mer Noire. Plus loin de nous, en Corée du Sud, un typhon avec des vents soufflant à 180 km/h, paralysant par moments le transport aérien, installait le chaos à Busan, la deuxième ville du pays. Le Vénézuela n’était pas en reste durant ce week-end de pluies torrentielles, plusieurs villes de l’Etat de Zulia étant paralysées. J’aurais pu ici vous lister plusieurs dizaines de pays, situés sur les cinq continents, dont la population est exposée depuis plusieurs années déjà aux conséquences des changements climatiques.

C’est en anticipation de ce mouvement que le Président Macky Sall a mis en place dès 2012, le Programme Décennal de Lutte contre les Inondations (PDLI 2012-2022), d’un budget global de 766,988 milliards FCFA, qui est venu structurer et renforcer l’intervention de l’Etat dans cette lutte. Ces investissements sont prévus à travers trois phases : une phase d’urgence 2012-2013 de 66,375 milliards FCFA, une phase court terme 2014-2016 de 250,603 milliards FCFA et une phase moyen et long termes 2017-2022 de 450,009 milliards FCFA. Je pourrais revenir sur les réalisations du Gouvernement à chacun de ces trois temps.
Bien entendu, beaucoup d’efforts ont déjà été consentis dans la réalisation d’ouvrages structurants à travers le pays, des ouvrages qui ont permis d’obtenir des résultats notoires dans la lutte contre les inondations, particulièrement dans la région de Dakar où le plus gros des investissements a été réalisé.

En soi, le PDLI incarnait une rupture car l’Etat passait d’une gestion des urgences à travers des projets dispersés, au pilotage structurel, sous un seul et unique programme national, intégré et cohérent, axé sur l’atténuation notable et durable des effets des inondations. C’est bien cela le cadre de travail du Gouvernement qui a permis, depuis 2012, aux différents gouvernements du Président Macky Sall, l’atteinte de résultats appréciables dans le cadre de la lutte contre les inondations. Maintenant, chacun est libre penser qu’après lui, ça a été le déluge mais il n’est pire folie que de se croire le nombril du monde. L’Etat est toutefois une continuité.

Comme l’y invite le Chef de l’Etat, le Gouvernement fera prochainement un rapport d’étape du Programme Décennal. Ce rapport sera rendu public car la gouvernance du Président Macky Sall, c’est d’abord la redevabilité. Elle est aussi soutien et secours constants aux populations dans le besoin. C’est bien cela le marqueur véritable de sa politique et je suis sûr que le Président Macky Sall sera encore au rendez-vous de l’assistance à apporter à nos compatriotes en difficultés suite à ces inondations. Dans l’urgence, il a instruit le Ministre de l’Intérieur de déclencher le Plan ORSEC, ce qui fut fait immédiatement, ouvrant ainsi une phase exceptionnelle d’organisation et de coordination des secours aux populations.

Vous venez de le dire, le Gouvernement a réalisé des ouvrages de drainage et de stockage dans le cadre du Plan décennal de lutte contre les inondations. Pouvez-vous tirer le bilan de l’impact de ces ouvrages sur la réduction des inondations ?

Je voudrais d’abord dire que le Programme Décennal se compose de plusieurs composantes, dont celle mise en œuvre par le ministère de l’Eau et de l’Assainissement à travers l’Office National de l’Assainissement du Sénégal (ONAS). Depuis 2012, l’ONAS a engagé la réalisation d’importants projets structurants du Programme Décennal. Je citerais les investissements de la phase d’urgence 2012-2013, pour un volume global de 30.225 milliards FCFA, couvrant notamment le drainage des eaux pluviales de la Route nationale numéro 1 et la réalisation d’une station de pompage de 7.200 m3/h. Souvenons-nous des grandes difficultés que vivaient les usagers de la RN1 pour entrer ou sortir de Dakar par temps de pluies. La phase d’urgence 2012-2013 a également permis de réaliser à Dakar, des projets d’envergure de drainage des eaux pluviales au CICES, à Ouest Foire et environs, ainsi que la réhabilitation des stations de pompage de Grand-Yoff, Zone de captage et Bourguiba, la réhabilitation et le renforcement de 21 stations de pompage et la construction de sept autres.

A Touba, le drainage des eaux pluviales de Touba a été réalisé grâce à la réhabilitation des stations de pompage de Touba Mosquée et de Marché Occas, la reconstruction de la station de Keur Niang, la réalisation de 19 kms de reseau et la construction d’un bassin d’infiltration. Bambey fut également pris en charge à travers la construction d’une station de pompage, la réalisation de 5 kms de reseau et la construction d’un bassin. Enfin, en ce qui concerne les autres régions, 15 stations de pompage avaient été réhabilités et renforcés.

Le Gouvernement aura maintenu le même rythme d’investissements entre 2014 et 2016, au cours de la phase dite court terme du Programme Décennal. Rien que sur Dakar, à cette occasion, pour un montant total de 1.441 milliard FCFA, été réalisés la construction de 4 stations de pompage à ITA (l’Institut de Technologies Alimentaires), Zakat HOUSE, Parcelles assainies unité 17, la réhabilitation de 6 autres stations aux Parcelles assainies Unités 13, 22, 24, 25, à Ndiaga Mbaye et Grand Médine, le drainage des points bas aux Almadies et à Hann Maristes Mosquée Imam Kane et Croisement mèches Darling, la réhabilitation de la station de la Corniche des HLM, etc…

En ce qui concerne Pikine, un volume de 3,185 milliards FCFA a été investi à Sam 2, Ndiawar Diagne, Hainoumady, Gouye Sapot, Tally Carreaux, Guinaw rails Nord et Hamdalaye. Quant à Guediawaye, une enveloppe de 1,556 milliard FCFA a été alloué pour réaliser 2 systèmes de pompage à Oilybia Fadia et à la Cité SHS, drainer les points bas à HAMO, Lycée Parcelles Assainies et Golf sud, et réhabiliter les stations du Stade Amadou Barry et de la Cité Diounkhop. Bien entendu, tout ceci est mesurable et constable sur le terrain. D’autres communes furent également couvertes par la phase court terme 2014-2016 du Programme Décennal. Il s’agissait de Saint-Louis, de Mbour, de Diourbel, de Thiadiaye, de Kaolack et de Kaffrine.

Je pourrais aussi rappeler ici les nombreuses interventions du Projet de Gestion des Eaux pluviales et d’adaptation au changement climatique, le PROGEP, autre composante du Programme Décennal de Lutte contre les inondations. Initié en 2012, le PROGEP a été financé par l’Etat, la Banque mondiale, le Fonds nordique de Développement et le Fonds pour l’Environnement mondial, à hauteur de 64,48 milliards FCFA. Il a permis de réaliser notamment les Plans Directeurs de Drainage des villes de Pikine et de Guédiawaye, mais également de 4 stations de pompage, 21 bassins de rétention et d’écrêtement d’une capacité globale de 700.000 m3, l’édification de 50,3 km de canaux (primaires et secondaires), de collecteurs et d’ouvrages de ruissellement. Au moment de la clôture du PROGEP, au mois de mai 2020, nos concitoyens qui ont été directement préservées des inondations dans la banlieue de Dakar, ont été évalués à 167 000 ; ce qui est une excellente performance.

Comme on le voit bien, les réalisations sont multiples et c’est grâce aux interventions du Programme Décennal que beaucoup de communes qui, jadis, étaient sous les eaux en pareilles circonstances, ont pu aujourd’hui résister, en recevant l’équivalent de trois mois d’eaux pluviales en une seule journée. On se souvient encore de ce que vivaient les populations de Yoff à hauteur de Philippe Maguilène Senghor, de la Cité Soleil, mais aussi celles de Bambey, de Touba, et de bien d’autres villes de l’intérieur.

Dans le cadre de la phase moyen et long termes, 2017-2022, plusieurs autres projets du Programme Décennal continueront à être financés par l’Etat, comme prévu notamment à Touba, Kolda, Tivaouane, Tambacounda, Nioro, Ziguinchor, Joal-Fadiouth, Kaolack, Rufisque, Bakel, Bargny, Dagana, Foundiougne, Podor, Thies et Kédougou.

Certains pensent que les désagréments causés sont liés au fait que ces ouvrages ne sont pas aux normes et en arrivent même à exiger l’évaluation du Programme Décennal de Lutte contre les Inondations. Pensez-vous que ces infrastructures ont été efficaces ?

Je voudrais rassurer tous nos concitoyens sur la qualité très satisfaisante des ouvrages de drainage et de prévention des inondations qui ont été réalisés jusqu’à aujourd’hui dans le cadre du Programme Décennal de lutte contre les inondations. Ces ouvrages sont étudiés, édifiés et contrôlés par des bureaux d’études qui travaillent avec l’Etat et les structures publiques concernées, selon les meilleures normes internationales édictées en la matière. Le Président de la République reste plus que jamais attaché à la qualité et à l’efficacité dans l’exécution rapide de l’action publique. Toutes les infrastructures du Plan Sénégal Emergent sont testées et validées avant leur réception. Ça donne d’ailleurs par moments, un ressenti ou une perception de lenteur et de retard dans la mise en service des infrastructures, mais tel est le prix à payer pour la sécurité des populations.

Je dois aussi rappeler, pour rassurer nos concitoyens, que la redevabilité, comme je le disais tantôt, reste un des piliers de la gouvernance Macky Sall. Tout programme, pour sa bonne mise en œuvre, en délais et en coûts, « on time » et « on budget » comme disent les anglo-saxons, nécessite un monitoring et une évaluation permanente. Le Chef de l’Etat dispose à cet effet, en sus des corps de contrôle de l’Etat, de deux instruments. Il s’agit du Bureau Opérationnel de Suivi (BOS), en charge du monitoring et de la Commission d’évaluation des politiques et programmes publics, chargée de l’évaluation. Ces deux instruments concourent tous les deux à ancrer, dans la transparence, la culture du résultat et de la performance au sein de l’Etat et des structures publiques.

Je voudrais enfin rappeler que lors du dernier Conseil des ministres, le 2 septembre 2020, le Président de la République a requis du Gouvernement, une évaluation globale et un rapport détaillé de l’état d’exécution du Programme Décennal de lutte contre les inondations. Cette évaluation va se faire très vite car le Gouvernement dispose déjà de l’ensemble des réalisations du Programme, par projet et par site ; les réalisations qui ont permis au pays de faire face à ces importantes pluies torrentielles, alors que l’hivernage n’est pas encore terminé. Dans la sous-région ouest-africaine comme dans le reste du monde, l’hivernage 2020 n’aura pas été sans risques mais il nous faudrait en même temps rendre grâce à Dieu pour ce volume d’eau important qui annonce des productions records au grand bonheur de nos agriculteurs. Comme l’on en convient tous, pour les résiliants, aux difficultés succèdent toujours des félicités.

N’est-ce pas paradoxal qu’on assiste à des inondations à Dakar qui est une presqu’île ?
C’est toute la complexité éco-géographique de notre belle région capitale qui demeure un patrimoine national et mondial à protéger. Nous y arriverons à travers des infrastructures de qualité et une politique d’urbanisation conforme aux exigences de planification urbaine, de construction, de cadre de vie et d’assainissement de nos établissements humains. C’est bien cela la vision de renouveau urbain du Président Macky Sall quand il s’engage à bâtir des villes durables et résilientes à l’image de l’expérience en cours du Pôle urbain de Diamniadio et de tous les autres pôles en formation qui seront le support du programme audacieux de construction de 100 000 nouveaux logements à l’échelle du territoire national. Plus que jamais, c’est le temps de l’action.

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