Justice

Condamné à 10 ans ferme dans l’affaire Imam Ndao : Ibrahima Mballo souffre le martyre en prison à cause d’une « rupture de ligaments »

Ibrahima Mballo
Ibrahima Mballo (Ph Dakaractu)

Condamné à 10 ans de prison dans le cadre de ce qui est parti pour être le premier procès pour terrorisme au Sénégal, Ibrahima Mballo souffre le martyre en prison. Selon nos informations, l’ex-coaccusé de l’Imam Alioune Badara Ndao a endommagé son ligament croisé en fin d’année dernière, alors qu’il s’entrainait dans la cour de la prison du Cap Manuel. Une rupture du ligament croisé pour laquelle le détenu Mballo souffre beaucoup, d’autant que l’opération qui a été programmée pour le soulager a été reportée «à cause de la pandémie à coronavirus». De son côté, l’Administration pénitentiaire, qui reconnaît la blessure du détenu, «qui se déplace dans la prison à l’aide d’une béquille», assure qu’il ne s’agit pas d’une rupture de ligament croisé, mais plutôt d’un «problème de nerfs».

Le 19 juillet 2018, l’imam Alioune Ndao, poursuivi par l’État du Sénégal pour «apologie du terrorisme», «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste» et «blanchiment de capitaux», a été innocenté de presque tous les chefs d’accusation qui l’accablaient. À l’époque, le juge Samba Kane n’avait retenu que celui de «détention d’arme de deuxième degré», en référence au pistolet et aux cartouches retrouvés à son domicile en 2015 et pour lesquels il a été condamné à un mois de prison avec sursis.

Les condamnés oubliés

Dans la presse locale comme internationale, la libération de cet imam, critiqué pour ses prêches jugées radicales et que les enquêteurs accusaient d’être l’idéologue d’une cellule terroriste prenant racine en Afrique de l’Ouest, avait fait de l’ombre aux lourdes condamnations infligées à ses coaccusés.

En effet, sur les 29 accusés qui comparaissaient avec l’imam pour terrorisme supposé devant la Chambre criminelle, 15 ont été acquittés. Trois autres accusés ont été condamnés par le tribunal correctionnel à 15 ans de travaux forcés, six autres à 10 ans et trois à 5 ans.

Dans ce lot de six personnes condamnées à 10 ans de prison ferme, le sieur Ibrahima Mballo. Perdu notamment par son voyage au Nigeria, Ibrahima Mballo a rejeté, à la barre toutes les accusations portées à son encontre. Il avait expliqué sa présence au Nigeria par le besoin de trouver du travail et de parfaire son apprentissage du Coran. Mais, malgré les «assurances» données par Mballo, la sentence est tombée tel un couperet sur sa tête. Il est envoyé en prison pour 10 ans.

Mballo se blesse au genou en faisant du sport en prison

En prison, Mballo et ses codétenus, conscients que ce n’est pour demain la sortie, décident, à l’image de bien des détenus, de faire régulièrement du sport pour garder la forme. Ils s’adonnaient ainsi à des parties de football dans la cour de la prison du Cap Manuel. C’est lors d’une de ces parties que Ibrahima Mballo s’est gravement blessé au genou. «La souffrance était intense. À l’époque, on ne savait pas ce qu’il avait, mais en le voyant crier de douleur, on savait déjà que c’était très grave», témoigne un ancien détenu témoin de la blessure et qui a accepté de s’entretenir avec «Les Échos».

Devant la gravité des faits, l’Administration pénitentiaire a décidé d’emmener le détenu Mballo voir un médecin. Une ordonnance d’un coût de 150.000 F Cfa a été établie. Selon des proches de Mballo, qui a été transféré du Cap Manuel à la prison de Rebeuss par la suite, c’est là qu’il a été informé que l’Administration pénitentiaire a refusé de payer l’ordonnance, avant de rétropédaler devant la pression du président de l’Association pour le soutien et la réinsertion sociale des détenus (Asred), Ibrahima Sall.

«sa souffrance est telle qu’il préférait qu’on lui coupe la jambe»

Selon notre source, «cette ordonnance devait préparer le terrain» pour une intervention chirurgicale. Mais celle-ci n’a jamais pu se faire. Et pour cause, «la pandémie à coronavirus avait poussé les structures sanitaires à reprogrammer ces genres d’interventions», souffle une source au niveau de l’Administration pénitentiaire qui, «sans minimiser sa souffrance», assure que «Mballo n’est pas le seul détenu dans ce cas de figure».

Depuis lors, rien n’est fait pour soulager le détenu «qui continue de souffrir en prison». «Il ne dort plus la nuit. Lors d’une conversation téléphonique que nous avons eue, il m’a fait savoir que sa souffrance était telle qu’il préférait qu’on lui coupe la jambe s’ils ne peuvent le faire opérer très vite», raconte l’ex-codétenu de Mballo.

L’Administration pénitentiaire : «il ne s’agit pas d’une rupture du ligament croisé, mais plutôt d’un problème de nerfs»

Contactée par nos soins, l’Administration pénitentiaire reconnaît la blessure du détenu. Mais, pour elle, loin de la version de Mballo et de ses proches, le détenu n’a pas une rupture de ligament croisé, mais plutôt un «problème de nerfs». «Oui, nous sommes au courant de sa blessure. Comme on le fait pour tous les détenus, il a été emmené voir un médecin. Mais ce dont je peux vous assurer, c’est qu’il ne s’agit pas d’une rupture du ligament croisé. On connaît tous ce que cela veut dire. Si c’était le cas, il ne le supporterait jamais. Alors que nous savons qu’il se déplace dans la prison. Même s’il le fait à l’aide d’une béquille», assure-t-on.

Nous sommes entrés en contact avec l’avocat d’Ibrahima Mballo pour avoir sa version. Mais celui-ci, qui a été commis d’office pour les besoins de l’audience, n’a pas pu s’avancer sur le sujet. «Tout ce que je sais, c’est que l’Administration pénitentiaire m’a une fois contacté pour me faire part de la maladie d’Ibrahima Mballo. Je n’ai pas pu avancer avec sur le sujet parce que je ne maitrise pas l’affaire. Je ne suis pas l’avocat attitré d’Ibrahima Mballo, j’ai juste été commis d’office pour le défendre pour les besoins du procès», a répondu la robe noire.

Condamné à 10 ans ferme dans l'affaire Imam Ndao : Ibrahima Mballo souffre le martyre en prison à cause d'une "rupture de ligaments"

Sidy Djimby NDAO – Les Echos

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