Incroyable découverte : un journal de bord de plus de 200 ans raconte la vie à bord du négrier «Mary» et fait des révélations sur le courage des esclaves
Le mois dernier, la bibliothèque de l’Université de Georgetown, un quartier de Washington, la capitale fédérale des États-Unis, a annoncé l’acquisition et la numérisation d’un rare journal de bord détaillant la vie à bord du «Mary», un bateau qui a transporté des Africains de l’Ouest asservis à travers l’Océan Atlantique au tournant du 18e siècle.
Cette nouvelle découverte vient bouleverser certaines croyances sur les ancêtres des Africains qui ont été faits esclaves durant la traite négrière. En effet, alors que les esclavages africains sont souvent décrits comme des gens sans intelligence aucune, ce journal de bord montre que même jusqu’au milieu de l’océan, certains esclaves n’ont jamais cessé de s’organiser pour prendre le contrôle des bateaux.
Aussi, le document confirme l’absence d’humanité chez les esclavagistes. Selon le journal de bord, le «Mary» a quitté l’Afrique à la mi-juin 1796 avec 142 esclaves, hommes, femmes et enfants à bord.
Le journal documente les événements quotidiens lors d’un voyage en 1795 de Providence, Rhode Island, à plusieurs ports le long des côtes du Sénégal, du Libéria et du Ghana modernes. Il raconte également le retour du «Mary» aux États-Unis l’année suivante. Ainsi, selon les responsables de la bibliothèque de l’Université de Georgetown, le navire a quitté l’Afrique à la mi-juin 1796 avec 142 hommes, femmes et enfants à bord.
Au moment où le bateau a atteint Savannah, en Géorgie, le 22 octobre, 38 de ces esclaves avaient succombé à des maladies infectieuses, au suicide et à de violentes mesures disciplinaires. «Nous ne connaissons pas leurs noms», déclare l’historien de Georgetown Adam Rothman dans une vidéo sur le journal de bord.
«Nous ne connaissons pas leurs biographies. Nous ne savons pas d’où ils viennent. Nous ne savons rien de leurs familles. Tout ce que nous savons, c’est ce qui est enregistré dans ce journal».
Le responsable du journal de bord – probablement l’un des assistants du capitaine – a enregistré la mort des esclaves de la manière la plus insensée possible, raconte Rothman à Matthew Taub d’ Atlas Obscura. Chaque décès est noté simplement par un chiffre indiquant le nombre croissant de morts du voyage.
Loin de servir de «portrait photographique de la réalité», ajoute Rothman, le journal de bord est «une représentation d’un certain point de vue, l’un des officiers à bord de ce navire, pour qui les Africains étaient des marchandises, des sources potentielles de profits et de pertes. Cela aide à comprendre pourquoi les décès sont enregistrés tels quels».
«Des esclaves ont échappé à leurs chaînes et tenté de prendre le contrôle du navire ; 2 sont tués, 2 autres ont sauté par-dessus bord»
Le journal note que le passage transatlantique du «Mary» était l’un des 18 voyages financés par le marchand d’esclaves Cyprian Sterry. Tous ces voyages sont d’ailleurs enregistrés dans la base de données sur la traite transatlantique des esclaves, qui retrace près de 36.000 voyages entrepris entre 1514 et 1866.
Avant l’acquisition du journal de bord, les archives de la base de données sur le voyage du «Mary» de 1795 à 1796 étaient rares, comprenant principalement les dates de départ du navire de chaque port et les noms de son propriétaire et de son capitaine. Le document nouvellement numérisé offre des informations supplémentaires sur l’expérience de l’équipage entre les ports.
Ainsi, rapporte le document, en mars 1796, par exemple, le rédacteur du journal de bord décrit la tentative de mutinerie de trois membres d’équipage. L’insurrection a échoué et le capitaine Nathan Sterry a par la suite renvoyé le trio.
«Trois mois plus tard, un groupe d’hommes esclaves a échappé à leurs chaînes et a tenté de prendre le contrôle du navire», lit-on sur le journal de bord qui a consacré une page entière à cette rébellion et à ses conséquences. Selon Atlas Obscura, «deux des hommes ont été tués dans le combat, tandis que deux autres ont sauté par-dessus bord».
Rothman a également déclaré : «l’expérience de voir cet artefact en personne et de tourner les pages vous-même est absolument terrifiante». Et d’ajouter : «c’est une expérience vraiment émouvante. C’est un récit de tant de douleur et de traumatisme, et juste l’avoir devant vous – c’est une sorte de testament».
Une boite personnalisée fabriquée pour transporter en toute sécurité le texte fragile
Selon le document, l’esclavagiste Cyprian Sterry, cité plus haut, a continué à financer des voyages longtemps après que son État d’origine, le Rhode Island, ait adopté un décret de 1787 interdisant aux résidents de participer à la traite des esclaves. «Sterry n’a interrompu ses opérations qu’en 1797, lorsque la Providence Abolition Society a menacé de le poursuivre pour avoir violé la loi de l’État», note le document.
À un moment donné de son histoire de plus de 200 ans, le journal de bord du «Mary» s’est retrouvé dans le placard de la maison californienne de Robert S. Askew. Après avoir trouvé le document, Askew a contacté un proche de la famille, qui l’a mis en contact avec la bibliothèque de l’école.
Selon un communiqué publié par la bibliothèque de l’Université de Georgetown, pour le document très prestigieux parce que rare, une boite personnalisée a été fabriquée et est utilisée pour transporter en toute sécurité le texte fragile à travers le pays (Les États-Unis).