Economie

Accord pétrolier : Amadou Hott installe un malaise à Bissau, Embaló obligé de démentir le ministre sénégalais et annonce la signature prochaine d’un nouvel accord

Amadou Hott, ministre de l'économie
Amadou Hott, ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération

Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló, a déclaré hier qu’il y a des pourparlers avec le Sénégal sur l’exploration pétrolière, mais qu’aucun accord n’a encore été signé entre les deux pays. Cela, après qu’une révélation du ministre sénégalais de l’Économie, du Plan et de la Coopération, sur un accord pétrolier signé avec le Sénégal, a provoqué des troubles dans le pays. En effet, lors d’une visite de travail à Bissau, du 21 au 23 octobre dernier, Amadou Hott a laissé entendre que des accords avaient été signés «il y a 10 jours», «entre les chefs d’État des deux pays», Macky Sall et Umaro Sissoco Embaló. L’affaire a aussitôt interpellé la presse bissau-guinéenne, obligeant le président Embaló à monter au créneau pour tenter de rectifier le tir.

Dans le cadre des relations d’amitié cordiale et de coopération entre le Sénégal et la Guinée-Bissau, une délégation sénégalaise multisectorielle, conduite par Amadou Hott, ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération, a séjourné à Bissau du 21 au 23 octobre. En marge de cette visite, des informations importantes, révélées par le ministre sénégalais et qui ont failli passer inaperçues, ont interpellé plus d’un au niveau du pays lusophone.

Il s’agit d’une petite phrase prononcée par le ministre sénégalais et qui a fait grand bruit dans les subtilités du pouvoir en Guinée-Bissau. En effet, dans un discours public, en présence de son homologue guinéen Victor Mandinga, le ministre sénégalais Amadou Hott a énuméré un ensemble de projets prioritaires qui doivent se concrétiser dans le cadre d’une coopération accrue entre les deux pays. Ainsi, évoquant l’intérêt bilatéral pour le renforcement des programmes de coopération existants dans le domaine de la pêche, du commerce transfrontalier et plus particulièrement du secteur de l’énergie dans l’exploration pétrolière dans la zone d’exploration conjointe (Zec), Amadou Hott a révélé que des accords avaient été signés à ce propos «il y a environ 10 jours», soit vers le 10 octobre, «entre les chefs d’État des deux pays», Macky Sall et Umaro Sissoco Embaló.

Le plus grave dans cette affaire, c’est que le contenu des accords relatifs à la prospection pétrolière dans la Zone d’exploration conjointe n’est pas connu du gouvernement de Nuno Nabiam et sa signature n’a pas été discutée à l’Assemblée nationale populaire de la Guinée-Bissau.

Et même si la nature des accords est inconnue, selon certains médias à Bissau qui citent les déclarations d’Amadou Hott, il s’agit de l’accord controversé dont la négociation aurait dû avoir lieu en 2016, mais que le Président José Mário Vaz avait alors bloqué en raison de désaccords dans la clé de partage, qui reposait sur un répartition de 85% en faveur du Sénégal et de 15% en faveur de la Guinée-Bissau.

Il s’agit visiblement d’un malaise profond qui continue d’indigner les plus nationalistes des Bissau-Guinéens qui, à coup de dénonciations, ont obligé le Président à apporter un démenti aux propos du ministre sénégalais.

Umaro Sissoco Embaló est donc obligé à prendre la parole dans cette affaire. Hier, le dirigeant guinéen a déclaré qu’il y a des pourparlers avec le Sénégal sur l’exploration pétrolière, mais qu’aucun accord n’a encore été signé entre les deux pays. «Je veux vous dire que le jour où un accord sera signé dans ce sens, les journalistes le sauront, mais que je sais que la Guinée-Bissau n’a toujours pas de source de pétrole», a déclaré Sissoco Embaló.

Le président guinéen a souligné qu’il avait l’intention d’introduire des changements dans la compréhension de la forme de partage en cas de découverte de pétrole dans les zones appartenant aux deux pays. «Par exemple, dans le cas d’une découverte de pétrole en Guinée, la clé du partage doit changer, le même principe sera observé dans le cas d’une découverte du côté sénégalais, car il est inconcevable que du pétrole soit découvert en Guinée-Bissau et qu’on dise que La clé du partage sera 15% pour nous, 85% pour le Sénégal», a-t-il ajouté.

Le Président guinéen a rappelé que ce principe de la clé de partage a été établi sur la base d’un accord conclu dans les années 1980 par les chefs d’alors des deux États, à la suite de différends devant les tribunaux internationaux. «Nous sommes allés au tribunal et avons perdu», a noté Umaro Sissoco Embaló, soulignant que le Président guinéen de l’époque, João Bernardo Nino Vieira, a défendu les intérêts du pays, ce que lui cherchera également à faire en cas de nouvel accord avec le Sénégal.

Aussi, le Président guinéen a garanti que «prochainement» un nouvel accord sera signé avec le Sénégal pour l’exploration pétrolière. «Une chose que je peux garantir, comme le président de l’époque Nino Vieira savait comment sauvegarder les intérêts de la Guinée-Bissau, c’est de la même manière que je prendrai soin des intérêts nationaux dans cette affaire», a souligné Sissoco Embaló.

La nouvelle d’une prétendue signature de l’accord d’exploration pétrolière avec le Sénégal a fini d’installer un débat houleux parmi les Guinéens. Pour rappel, l’accord de gestion et de coopération entre la Guinée-Bissau et le Sénégal a été signé en octobre 1993 et prévoyait la création d’une zone d’exploration conjointe (Zec), qui couvre environ 25.000 kilomètres carrés du plateau continental. La Guinée-Bissau a cédé 46% de son territoire maritime pour constituer la Zec et le Sénégal 54%. La zone est considérée comme riche en ressources halieutiques dont l’exploitation détermine 50% pour chacun des États, ainsi qu’en hydrocarbures (pétrole et gaz), les Sénégalais détenant 85% d’hydrocarbures et les Guinéens 15%.

La prétendue «clé du partage des ressources sur le plateau continental» a été convenue à la suite de décisions juridiques devant les tribunaux internationaux auxquels les deux pays ont fait appel à la suite de différends frontaliers hérités du colonialisme. L’ancien Président guinéen José Mário Vaz, pour ne pas être d’accord avec cet accord de partage, notamment pour les hydrocarbures, a formellement dénoncé l’accord, le 29 décembre 2014, proposant au Sénégal la réouverture des négociations pour établir de nouvelles bases de partage. Depuis, Bissau et Dakar discutent pour obtenir un nouvel accord. Mais avec cette nouvelle donne tout pousse à croire que les choses vont vite prendre une nouvelle tournure.

Top 10 de l'info

Haut