Accord de pêche controversé avec le Sénégal : les précisions et omissions de la Délégation de l’Union européenne à Dakar
Le tollé provoqué par le renouvellement de son accord avec le Sénégal dans la pêche a eu pour conséquence de faire sortir l’Union européenne de sa réserve. Dans un communiqué envoyé à Dakaractu, la Délégation de l’U.E à Dakar juge nécessaire de faire des précisions sur l’accord qui permet à 45 navires européens de pêcher au moins 10 000 tonnes de thon et 1 750 tonnes de merlu noir par an pour une contrepartie financière de 15 millions d’euros (10 milliards FCFA) sur cinq ans.
Dans un premier temps, elle assure que « l’accord de partenariat de pêche durable UE-Sénégal et son protocole de mise en œuvre garantissent un cadre légal des océans et à la protection du secteur des pêches et des emplois qui en dépendent. » Une bonne manière pour l’U.E de se dédouaner.
Il a été question ces derniers temps de la corrélation entre la présence des navires étrangers dans les eaux sénégalaises et le départ massif des pêcheurs artisans pour les Iles Canaries, en Espagne. Mais selon la Délégation de l’Union européenne à Dakar, « les quotas de pêche alloué par le Sénégal aux bateaux européens correspondent à une ressource non ciblée par les pêcheurs sénégalais… »
« Ces quotas concernent exclusivement des espèces bien déterminées -le thon et le merlu noir- et ne font pas l’objet de licences de pêche qui pourraient interférer avec la pêche artisanale sénégalaise », renchérit le communiqué qui plastronne en mettant en exergue la clause qui veut que les marins embarqués dans les navires européens soient au moins constitués de 25% de sénégalais.
Les omissions d’une mise au point
Cependant le protocole consulté par Dakaractu ne fait pas mention uniquement de sénégalais. « Les armateurs des navires de pêche de l’Union opérant dans le cadre du présent protocole emploient des ressortissants des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP », peut-on lire au chapitre V du protocole d’accord. Ce n’est pas la seule omission faite par la Délégation de l’Union européenne dans sa réponse.
« Le nouveau protocole a été négocié entre les parties en juillet 2019. Ces négociations se sont appuyées sur une évaluation indépendante du protocole (2014-2019) et les meilleurs avis scientifiques disponibles (sénégalais et européens), ainsi que sur des consultations menées avec les opérateurs et la société civile au Sénégal et en Europe (…) a la fin des négociations, le protocole d’accord doit être adopté par le Parlement européen, qui vient de donner son feu vert ce 12 novembre, puis par le Conseil des Etats membres dans les prochains semaines », semble vouloir rétablir l’Union européenne qui ajoute qu’ « un processus de ratification est en cours en parallèle au Sénégal ».
Mais ce que le communiqué ne dit pas et qui est écrit noir sur blanc sur le communiqué du parlement européen c’est qu’il s’applique « depuis sa signature le 18 novembre 2019 ».
Au sujet de la contrepartie financière versée au Sénégal, la Délégation de l’Union européenne fait savoir qu’elle représente un montant global de plus de 15,25 millions d’euros, soit plus de 3 millions d’euros par an. Rien de nouveau sous le soleil puisque Dakaractu, dans son article avait déjà écrit le même montant, en se basant sur les termes du protocole d’accord publié au journal officiel européen depuis le 20 novembre 2019.
L’UE revoit ses ambitions à la baisse
« En ce qui concerne les quotas annuels : il faut noter que dans le nouveau protocole, ils ont été revus à la baisse : à savoir 10 000 tonnes pour les thonidités (au lieu de 14 000 tonnes précédemment) et 1750 tonnes de merlu noir (au lieu de 2000 tonnes) », poursuit la représentation européenne.
La Délégation de l’Union européenne fait remarquer que l’accord de partenariat durable avec le Sénégal a permis de nombreuses réalisations en faveur des acteurs de la pêche depuis 2014.
À titre d’exemples, elle cite la « modernisation du quai de pêche de Hann, la construction du quai de Ndangane Sambou, les travaux de re-certification du navire de recherche Itaf Dem, l’immersion de 10 000 pots à poulpe tous les ans ; et celle de trois navires obsolètes pour créer des récifs artificiels de reproduction des espaces ; l’achat de 26 000 gilets de sauvetage et de 100 kits de géolocalisation pour renforcer la sécurité en mer des pêcheurs artisans ».
Pour finir, le communiqué relève que « l’accord de pêche vise aussi à combattre le fléau de la pêche illégale, première cause de mise en danger de la ressource halieutique ».
Avec Dakaractu