Saison agricole menacée : l’engrais introuvable pour les paysans… du Saloum
La saison agricole est-elle si menacée au Sénégal? La question a tout le mérite d’être posée au regard de la situation dans laquelle est plongée les agriculteurs et leurs champs. En effet, selon les informations, l’engrais introuvable pour les paysans de Kaolack, notamment.
Décidément, les autorités de notre cher pays ne semblent pas vouloir développer l’ agriculture même si elles proclament sur toutes les tribunes que le régime du président Macky Sall a injecté plusieurs milliards pour booster le secteur de l’agriculture. Preuve de ces déclarations contredites par les faits, l’engrais est introuvable actuellement par les paysans.
Pourtant, la saison pluie s’est installée et certaines cultures commencent à fleurir. Vrai paradoxe dans un pays dont le président s’est d’avoir porté le budget de la campagne agricole à 60 milliards de nos francs au moment ou, certaines régions comme Matam et Ziguinchor se retrouvent sans engrais. Dans d’autres régions comme Tambacounda, Kolda et Kaolack, entre les prévisions et la quantité d’engrais réceptionnée, il y a un grand écart.
Pendant que les producteurs nationaux peinent à en trouver, les ICS en exportent des quantités
Dans le Saloum, en particulier, plus grave que le manque de semences noté et décrié par les agriculteurs cette saison, l’engrais est presque introuvable. Il se trouve d’ailleurs que dans plusieurs localités de notre pays, « les quantités d’engrais distribuées sont très en-deçà des prévisions ». A Kaolack, par exemple, « sur une prévision de 5070 tonnes d’engrais, seules 2687 tonnes ont été reçues dont 1885 tonnes de vendues ».
La situation est d’autant plus déplorable que ce type d’engrais reçu en quantité insuffisante n’est autre que le « 06.20.10 » destiné, précisément, à la culture de l’arachide. Conséquence, le Bassin arachidier fonce droit vers une mauvaise récolte comme prévu d’ailleurs par certains responsables du secteur agricole. Pour ce qui est de l’engrais « 15.10.10 » conçu pour le mil, les prévisions étaient de 2010 tonnes alors que 623 tonnes seulement ont été réceptionnées — soit le tiers — sur lesquelles 317 ont été vendues.
S’agissant de l’engrais utilisé pour le maïs, sur une prévision de 2936 tonnes, 786 tonnes seulement ont été reçues. Au total, pour Kaolack, sur 12482 tonnes prévues, 5185 tonnes ont été réceptionnées dont 3270 vendues. En résumé, le taux global de mise en place de l’engrais est de 40 % pendant que le taux de cession de la quantité réceptionnée est de 63 %. Pour l’urée, au niveau de Kaolack, sur une prévision de 2856 tonnes, 1089 ont été reçues dont 756 tonnes vendues.
Retenons que cette pénurie d’engrais est observée dans toutes les régions du pays. A Tambacounda, le taux global de mise en place de l’engrais 15.15.15 (maïs) est de seulement 3,6 % soit 55 tonnes reçues sur une prévision de 1540 tonnes ! Le taux global de mise en place de l’urée est quant à lui 32,6 %. Toujours à Tambacounda, l’engrais 15.10.10 (mil) est mis en place à hauteur de 55,4%.
Matam et Ziguinchor se retrouvent avec zéro tonne d’engrais…
Il y a pire quand on sait que, pour Ziguinchor, le taux de mise en place de l’engrais pour maïs est de… 0 %, aucune tonne d’engrais n’est reçue sur une prévision de 75 tonnes. A Kolda, 210 tonnes ont été reçues pour l’engrais maïs sur une prévision de 1735. Et pour le mil, sur 1369 tonnes prévues, 340 tonnes ont été reçues. Pour l’urée dans cette zone, il n y a que 485 tonnes reçues sur les 1360 attendues.
A Matam, on en est à zéro tonne pour l’engrais de maïs. Soixante-dix tonnes étaient attendues mais, à l’arrivée, aucun camion chargé d’engrais n’est venu. Ce manque d’engrais à Matam est d’autant plus grave que cette zone est sous la menace de la famine. Le maïs est l’une des céréales les plus prisée dans cette partie du pays. Mais voilà, aucun gramme d’engrais pour maïs n’y a été réceptionné.
La même inquiétude prévaut à Ziguinchor qui en est à zéro tonne d’engrais pour la culture du maïs. Rappelons que les paysans du Saloum, notamment ceux de Taiba Niassene et environs, avaient fait face à la presse ces dernières semaines pour décrier la quasi absence de ce type d’engrais destiné au maïs. Or, déploraient-ils, c’est cette céréale qui sert de base à l’alimentation dans les zones rurales car permettant aux populations de se nourrir à moindre coût tout en consommant une alimentation riche.
La famine risque de s’installer
Ce qu’il y a à comprendre c’est que nos sols sont très pauvres et, pour les enrichir, il faut impérativement de l’engrais. Déjà que les paysans se plaignaient de l’insuffisance de semences de qualité, si on y ajoute l’absence d’engrais bonjour les récoltes catastrophiques !
Pas plus tard que mardi, un mouvement paysan basé dans le Saloum a alerté lors d’une conférence de presse sur « la menace de famine qui pèse sur plusieurs localités de ce pays au regard du manque d’engrais ». Aar souniou mooméél révélait que « malgré cette pénurie d’engrais, cette substance est exportée vers d’autres pays alors que les paysans sénégalais ne parviennent pas à la trouver. Bref, c’est partout que ce phénomène de manque d’engrais est noté. Fatick se retrouve avec, 438 tonnes d’engrais (mil) lorsque cette région attendait 1840 tonnes ».
Les grossistes en engrais déplorent le fait que les Industries chimiques du Sénégal (ICS) ne disposent que d’une seule ligne de production qui fabrique donc à tour de rôle, et non simultanément, le NPK. C’est-à-dire qu’elle produit de l’engrais pour arachide, puis pour mil puis ensuite pour maïs, ce n’est bien sûr pas toujours dans cet ordre. Mais en tout cas pas en même temps !
Il y a quelques semaines, une délégation de paysans conduite par l’ancien député Alioune Dia avait visité les usines des ICS où des assurances avaient été données quand à la mise à disposition dans les délais des 25.000 tonnes d’engrais commandées par l’Etat. Au moment du passage de la délégation paysanne, les responsables des ICS informaient que, sur cette quantité, 13.000 tonnes avaient déjà été fabriquées… Il faut noter qu’on était alors à la veille de l’hivernage !
On apprend aussi que les cours de l’urée flambent sur les marchés internationaux et que les banques refuseraient d’ailleurs d’ouvrir des lignes de crédit pour ce produit qu’on ne peut trouver que dans des pays comme l’Algérie, la Chine, l’Inde, le Nigeria etc. Son prix Caf (coût, assurance, fret) rendu Dakar est en effet de loin supérieur au prix que paye l’Etat pour l’acheter !
Avec Le Témoin