Guinée : les ministres d’Alpha Condé font allégeance aux putschistes, les frontiers ouvertes alors que les condamnations se poursuivent
En Guinée, au lendemain du coup de force qui a renversé le président guinéen Alpha Condé, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya a reçu, hier lundi 6 septembre, tous les membres de l’ancien gouvernement et les responsables des institutions. Dans son discours devant tout ce beau monde, le putschiste en chef a promis la mise en place d’un « gouvernement d’union nationale » et assuré qu’il n’y aurait pas de « chasse aux sorcières ». Pendant ce temps, l’armée est dans la rue de Conakry et la situation est plutôt calme même si quelques échauffourées ont été signalées. Alors que des scènes de joie ont éclaté dans plusieurs quartiers de Conakry.
Vingt-quatre heures après avoir renversé Alpha Condé, Mamady Doumbouya et ses hommes avaient convoqué les anciens membres du gouvernement hier lundi. Et le moins qu’on puis dire c’est que son appel n’est pas tombé dans l’oreil de sourds. En effet, aucun ne manquait à l’appel. Ni l’ex-Premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, ni l’ancien puissant ministre de la Défense, Mohamed Diané, ni l’ex-secrétaire général de la présidence, Kiridi Bangoura, ni même l’ancien porte-parole du gouvernement, Tibou Kamara… Tous ont répondu à la convocation qui leur a été signifiée la veille.
Cérémonie d’allégeance aux putschistes
« Tout refus de se présenter sera considéré comme une rébellion », avaient de toute façon prévenu les putschistes. Les commandants militaires, chefs de la police et de la gendarmerie avaient eux aussi répondu à l’injonction. La réunion a été retransmise à l’extérieur du Palais du peuple par des haut-parleurs. À son arrivée, le chef des putschistes, le colonel Mamady Doumbouya a été acclamé. La cérémonie a commencé par une minute de silence à la mémoire des victimes du régime d’Alpha Condé.
Pour les putschistes du Comité national pour le rassemblement et le développement (CNRD), la présence des plus hautes autorités civiles de la capitale guinéenne signe la prise en compte du coup de force de dimanche et leur adhésion. Ils s’assurent ainsi de l’allégeance de ces figures politiques guinéennes.
Après avoir reçu les hommes forts de l’ancien gouvernement, le lieutenant-colonel Doumbouya a tenu un discours dans lequel il a promis la mise en place d’un « gouvernement d’union nationale ». « Les secrétaires généraux des ministères assureront la continuité des services jusqu’à la mise en place du prochain gouvernement », a-t-il précisé.
Rassurer les investisseurs étrangers
Ainsi, indiquant qu’en attendant, les documents de voyage et véhicules de fonction doivent être remis aux nouveaux maîtres du pays, le militaire a donné des gages quant à une transition du pouvoir.
« Une concertation sera ouverte pour décrire les grandes lignes de la transition, ensuite un gouvernement d’union nationale sera mis en place pour conduire la transition », a dit le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya dans un discours, sans toutefois préciser la durée de la concertation ni de la transition.
Sur l’aspect économique, le chef des putschistes a annoncé une concertation « pour écrire les grandes lignes de la transition » et a également demandé aux compagnies minières de poursuivre leurs activités. « À cet effet, les frontières maritimes restent ouvertes pour les activités d’exportation des produits miniers. Le comité assure les partenaires qu’il respectera toutes ses obligations et rappelle son engagement à favoriser les investissements étrangers dans le pays »,a-t-il déclaré.
Il a également annoncé que les activités minières et les exportations de produits miniers allaient se poursuivre. La Guinée est un important producteur de bauxite, principal minerai pour la production d’aluminium. Elle possède aussi des gisements de fer, d’or et de diamant.
Les frontiers partiellement ouvertes
De son côté, l’opposition à Alpha Condé, en particulier le collectif de la société civile FNDC, attend la libération d’une petite dizaine de ses représentants. Elle avait appelé la population de Conakry à manifester ce lundi en soutien « à nos héros injustement détenus à la maison centrale » et qui seront libérés, sans grand succès. Une information non confirmée par le CNRD.
Selon une annonce, ce lundi, du porte-parole de l’armée à la télévision nationale, les frontières terrestres et aériennes ont été rouvertes pour les échanges commerciaux et humanitaires.
Pluie de condamnations à l’international
24 heures après le coup de force, la Communauté international continue de condemner le putsch. Outre l’Organisation des nations unies, l’Union africaine ou encore la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui ont appelé dimanche au retour à l’ordre constitutionnel sous peine de sanctions, plusieurs pays ou organisations internationales se sont exprimés sur le coup d’État.
L’ancienne puissance coloniale la France a dit se joindre à la condamnation de la Cedeao et à l’appel à « la libération immédiate et sans condition du président Condé », ainsi qu’au « retour à l’ordre constitutionnel ». Un message repris également par l’Union européenne et le chef de sa diplomatie Josep Borrell.
De son côté, les États-Unis ont, eux aussi, condamné le coup d’État qui, ont-ils prévenu, pourrait « limiter » la capacité américaine à soutenir la Guinée, « alors que le pays se trouve sur la voie de l’unité nationale et cherche à offrir un avenir meilleur au peuple guinéen ».
Lundi matin, l’Algérie a dit suivre la situation avec une profonde préoccupation, rejetant tout changement anticonstitutionnel. La communauté internationale condamne dans son ensemble cette prise de pouvoir par la force et l’arrestation du président Condé.