Culture

Littérature : le prix Goncourt 2021 pour Mohamed Mbougar Sarr et son roman «La Plus Secrète Mémoire des hommes»

Mohamed Mbougar Sarr lauréat du prix Littérature-Monde 2018
Le Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr remporte le prix Goncourt 2021 avec son roman «La Plus Secrète Mémoire des hommes»

C’est peu de dire que le quatrième opus de l’écrivain sénégalais de 31 ans, un roman très cérébral, vibrant de sensualité, assurément politique et souvent drôle, faisait figure de favori.

Le Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, 31 ans, a séduit les jurés avec le roman « La Plus Secrète Mémoire des hommes ».
Le Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, 31 ans, a séduit les jurés avec le roman « La Plus Secrète Mémoire des hommes ».

Le prix Goncourt a été attribué à Mohamed Mbougar Sarr pour La Plus Secrète Mémoire des hommes (Philippe Rey/Jimsaan), mercredi 3 novembre. Après une édition 2020 qui avait récompensé Hervé Le Tellier (pour L’Anomalie) par visioconférence, c’est à nouveau du restaurant Drouant, dans le 2e arrondissement de Paris, que le jury a annoncé la nouvelle. Etaient également en lice : Christine Angot pour Le Voyage dans l’Est (Flammarion), Sorj Chalandon pour Enfant de salaud (Grasset) et Louis-Philippe Dalembert pour Milwaukee Blues (Sabine Wespieser Editeur).
Au même endroit, et dans la foulée, les jurés du prix Renaudot ont eux aussi fait connaître leur choix. Il s’est porté sur Amélie Nothomb, pour Premier sang (Albin Michel).

C’est peu de dire que le quatrième roman de Mohamed Mbougar Sarr faisait figure de favori : à ce livre sélectionné pour tous les grands prix d’automne (dont celui du Monde), la plupart des critiques littéraires interrogés par Livres Hebdo quelques jours avant le vote prédisaient un couronnement par la plus convoitée des distinctions littéraires françaises.
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Une ambition impressionnante

Son auteur, né en 1990 au Sénégal, n’était pourtant pas le plus célèbre de la sélection ; ni ses deux maisons d’édition (la française de l’éditeur indépendant Philippe Rey et la sénégalaise Jimsaan), des habituées de la course au prix. Pas plus que son texte ne se présentait comme le plus facile d’accès. Mais l’impressionnante ambition et l’étourdissante énergie narrative de La Plus Secrète Mémoire des hommes emportent tout sur leur passage.

On ne vous conseille pas de demander à son auteur : « Ça parle de quoi ? » « Cette question incarne le mal en littérature », assène avec humour son narrateur et double évident, Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais. Celui-ci part sur les traces d’un roman paru en 1938, Le Labyrinthe de l’inhumain, d’un certain T. C. Elimane, qui fit de ce dernier une coqueluche du Paris littéraire d’avant-guerre, surnommé « le Rimbaud nègre ». Avant que des accusations de plagiat n’aboutissent à la destruction du livre et à la disparition d’Elimane.

« L’indécente littérature »

Au fil des recherches de Faye, les récits s’enchâssent, un narrateur en cache souvent un autre, on se déplace entre les continents (passant de la France au Sénégal, d’Amsterdam à l’Argentine), les époques et les genres littéraires (journal intime, extraits de presse, entretiens, récit teinté de fantastique, roman d’apprentissage…). Toujours, la figure d’Elimane se dérobe. Toujours, Diégane Latyr Faye, épaulé par la mystérieuse écrivaine Siga D., celle qui lui a mis Le Labyrinthe de l’inhumain entre les mains, poursuit sa méditation sur la littérature, ses pouvoirs et ses impasses (« La littérature ; il ne restait et ne resterait jamais que la littérature ; l’indécente littérature, comme réponse, comme problème, comme foi, comme orgueil, comme vie »). Ecrit à l’ombre du Chilien Roberto Bolano (1953-2003), La Plus Secrète Mémoire des hommes est assurément un roman très cérébral. Mais il s’avère aussi vibrant de sensualité, assurément politique – qu’il évoque le climat colonialiste dans la France des années 1930 ou les révoltes dans le Dakar contemporain – et souvent drôle.

En particulier lorsqu’il décrit les cercles d’écrivains (ou aspirants) africains vivant à Paris (« le ghetto ») et le rêve, nourri par « beaucoup d’entre nous », de « l’adoubement du milieu littéraire français (qu’il est toujours bon, dans sa posture, de railler et de conchier).

C’est notre honte, mais c’est aussi notre gloire fantasmée ; notre servitude, et l’illusion empoisonnée de notre élévation symbolique ». Il n’est pas impossible que Mohamed Mbougar Sarr ait repensé à ces lignes bravaches quand il a appris qu’il était, à 31 ans, le lauréat du plus prestigieux des prix littéraires français.

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