Contribution

[Tribune] Analyse objective du Train Express Régional – Par Mouhamed Dia

[Tribune] Analyse objective du Train Express Régional - Par Mouhamed Dia
photomontage Mouhamed Dia, Macky Sall, ter

Quand le président Sall est arrivé au pouvoir, il fallait juste contenir les dégâts causés par les libéraux, il ne pouvait absolument rien faire de positif, car tous les signaux étaient au rouge. Il fallait restaurer l’image du Sénégal. Il était dans l’obligation de maintenir le déficit budgétaire en dessous de 6 % et de l’améliorer d’année en année, ce qu’il a pu faire avec succès. Il fallait aussi assainir les dépenses publiques, en ne dépensant que sur les priorités et surtout en réduisant le train de vie de l’Etat. Il était aussi dans l’obligation de restructurer les infrastructures publiques comme la SENELEC et la Poste et s’attaquer aux problèmes de subvention de l’énergie. Une fois que les dégâts étaient contenus, il fallait alors mettre en place un programme de développement durable pour créer une croissance diversifiée et surtout inclusive, qui allait bénéficier à toutes les couches de la population.

Malgré les efforts du président Wade dans le sens des infrastructures, le Sénégal affichait toujours un déficit et il était impératif de poursuivre cette lancée, mais cette fois-ci, il fallait des infrastructures nécessaires selon les règles de la transparence. Cela était obligatoire dans le but de faciliter les activités économiques et surtout de déconcentrer l’activité économique dans la région de Dakar. Cependant en 2013, la situation s’est dégradée et le déficit budgétaire s’est creusé. L’Etat était dans l’obligation d’émettre un eurobond de 500 millions de dollars à un taux de 6 % et une échéance de 10 ans et un sukuk de 100 milliards de FCFA, qui sont des titres à moyen terme négociables, acceptés par le droit islamique.

Initié en 2014, le PSE a pour but de donner un nouveau souffle à l’économie sénégalaise et de booster la croissance pour réduire la pauvreté. Des études ont démontré qu’il y a une corrélation positive entre croissance et réduction de pauvreté même si ce n’est pas toujours une règle. L’investissement dans les projets d’infrastructures est un levier de politique économique qui a toujours porté ses fruits sur la croissance dans plusieurs pays, pourquoi pas notre pays ?

Il stimule l’activité économique et peut potentiellement augmenter la croissance. Au Sénégal, les routes sont étroites et en mauvais état et provoquent des embouteillages aux heures de pointe alors que le réseau ferroviaire est archaïque. Tout était urgent, il n’y avait pas assez d’hôpitaux ni assez de centres de santé. Des routes et des pistes sont nécessaires pour désenclaver certaines zones et acheminer des biens et personnes dans d’autres zones. Et tant d’autres problèmes, les uns plus urgents que les autres

Le TER n’a pas forcément pour but d’être rentable. Dans tous les cas, nous sommes obligés de féliciter le président, car il a réalisé un grand projet pour notre pays. Nous pouvons débattre de manière objective sur le choix des priorités, le mode de financement et même les inaugurations, mais que cela se fasse de manière scientifique. C‘est ainsi que l’Etat du Sénégal avait mis 125,7 milliards de FCFA comme fonds propres sur la table, la BID 197 milliards de FCFA, l’AFD 125,3 milliards de FCFA, la BAD 120 milliards de FCFA pour un total de 568 milliards de FCFA de Dakar à Diamniadio. À cela il fallait ajouter 127 milliards de FCFA de Diamniadio à AIBD pour un total de 695 milliards de FCFA hors intérêt. D’autres rallonges ont certainement été accordés à cause des imprévus, mais l’Etat n’a pas officiellement communiqué ces chiffres.

Le Sénégal comme la plupart des pays d’Afrique paient encore le retard et l’inefficacité des infrastructures de transport. Selon la Banque mondiale, afin d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), les pays les plus pauvres doivent consacrer au moins 9 % de leur PIB aux dépenses de construction, d’entretien et d’amélioration de leurs infrastructures. Bien qu’il soit difficile de mesurer avec exactitude la part du budget des gouvernements destinée aux différents secteurs, l’on peut dire qu’environ seulement la moitié est allouée aux dépenses d’infrastructures. Ce retard impacte négativement la croissance, la qualité de vie avec les embouteillages, la compétitivité et l’intégration régionale qui risquerait d’être un frein majeur à la ZLECAF.

Un marché de plus de 1,2 milliard de consommateurs et un PIB global de 2,6 milliards de dollars ne devrait être qu’un excellent moyen pour sortir plusieurs africains de la pauvreté. Il fallait commencer quelque part et les dirigeants ont choisi de ratifier le traité avant les infrastructures de base. Nous devons cependant être optimistes et savoir que tout est urgent en Afrique et qu’il ne serait pas opportun d’attendre que tous les pays mettent en place les infrastructures de base avant de commencer, car cela prendrait des années.

Par exemple, la ligne ferroviaire Dakar-Bamako est longue de 1 287 km dont 642 km au Mali avec une extension de 58 km de Bamako à Koulikoro et 644 km au Sénégal. Cependant, Il faut noter le mauvais état de la plupart des tronçons, notamment le tronçon entre Tambacounda et

Dioubeba qui est long d’environ 464 km, près de la frontière avec le Mali; il faut aussi noter que la reconstruction est envisageable.

Il est utile de rappeler que selon un rapport de l’institution financière internationale, la ZLECAF pourrait apporter à l’Afrique 450 milliards de dollars de revenus supplémentaires soit une hausse de 7%. L’objectif est d’augmenter les échanges intra-africains. Il faut noter que le commerce intra-africain est de seulement de près de 15 % contre environ 67 % en Europe, 60 % en Asie et 48 % en Amérique. En principe, la création de cette zone est supposée supprimer les frais de douane pour faire place à un tarif extérieur commun. Il faut noter aussi que ce traité permettra de réduire les barrières non tarifaires sans oublier qu’il permettra d’assouplir les formalités administratives. Les étapes à suivre sont le marché commun, l’union économique et l’union économique et monétaire.

La seule manière pour une intégration harmonieuse est de faire de l’Afrique un même pays en reliant tous les pays. On y note de nombreux avantages avec le déplacement des biens et des personnes d’une manière efficiente. On est au moins tous d’accord qu’un système de transport  audacieux joue un rôle important dans le processus de développement économique. Au Sénégal, les embouteillages coûtent à l’économie plus de 100 milliards de FCFA et impacte tous les secteurs d’activité. Il est impossible de devenir compétitif à ce rythme.

LE SYSTÈME FERROVIAIRE

Le réseau total au Sénégal est de 906 km dont 70 km double piste entre Dakar et Thiès et 193 km entre Thiès et Saint Louis même si ce tronçon n’est pas opérationnel, sans inclure le tronçon entre Thiès et Mekhe. La ligne internationale complète Dakar Bamako est longue de 1 287 km avec 642 km au Mali et 644 km au Sénégal avec l’extension de 58 km entre Bamako et Koulikoro.

Le système de transport de masse au Sénégal est composé de bus, d’autocars rapides et des Petits Trains de banlieue. Objectivement, on peut dire sans se tromper que ce système n’est pas en mesure d’assurer le déplacement de presque 125 000 passagers aux heures de pointe.

Presque tous nos systèmes ferroviaires ont vu le jour au début du 20e siècle avec les puissances coloniales dans le but de transporter les matières premières et exploitations minières vers le Port de Dakar en route pour les métropoles. Avec les indépendances et les nouvelles frontières, les réseaux ferroviaires sont rentrés dans l’actif de l’Etat et les entreprises parapubliques créées pour gérer ces chemins de fer n’ont pas toujours été à la hauteur et ils ont fini par être négligés et dans un mauvais état.

Jadis connu sous le nom de chemin de fer Dakar-Bamako-Koulikoro géré par la Régie des Chemins de Fer du Sénégal (RCFS) et la Régie du chemin de fer du Mali (RCFM), il fut officiellement changé le 1er novembre 1989 sous la  Société Nationale de Chemins de fer

du Sénégal (SNCS). L’axe Dakar-Bamako était très important, car la plupart des échanges de marchandises se faisaient par cette voie. Quant au Petit train de banlieue, il assure un service entre Dakar, la banlieue jusqu’à la région de Thiès avec des tarifs variant selon la distance et la classe de voyage.

Au Sénégal, la plupart des activités économiques se trouvent ou sont orientées vers le département de Dakar et il y a un important flux de personnes allant de l’intérieur du pays vers Dakar. On note des embouteillages à Dakar et des problèmes de déplacement et le train bleu n’assure que 70 % du trafic de voyageurs entre la banlieue et le centre ville selon une étude de la Banque mondiale.

Quant au train interrégional, il traverse les régions de Thies, Diourbel et Kaolack, qui étaient le bassin arachidier du Sénégal à cause de leur position géographique très stratégique et surtout la région de Kaolack qui est un carrefour et un relais qui facilite les déplacements de biens et personnes dans les échanges intra et interrégionaux. Il faut noter quand même que le système ferroviaire est organisé à Thiès, d’où son surnom de capitale du rail.

Avec la construction de route et de piste, on note une baisse progressive du trafic et cela a conduit à la fermeture de la ligne entre Kaolack et Guinguinéo. Malheureusement, pour ces populations, car l’impact du rail était positivement considérable sur l’économie locale et on y notait des activités économiques florissantes. Le rail désenclave aussi beaucoup de villages qui sont devenus jadis enclavés après la fermeture de certaines lignes. Il y avait certaines zones comme la région de Tambacounda où le rail a été le seul moyen de déplacement de biens et des personnes.

On ne peut pas parler du chemin de fer sans parler des emplois, cela fut le cas dans certaines zones comme Guinguinéo, Tamba et Kayes avec des emplois temporaires et permanents. Encore une fois, le développement du système routier a tué le système ferroviaire. Le chemin de fer Dakar Bamako a perdu ce rôle moteur de développement et vu que le système routier est quasi achevé, ce ne serait pas juste de dire que le rail a été négligé, mais plutôt que les populations ont préféré la route pour diverses raisons. Par contre, vu que le système routier malien n’est pas aussi avancé que celui du Sénégal, certaines zones du Mali sont encore très dépendantes du train.

ALSTOM

Alstom est une société multinationale française qui opère dans le monde entier dans le transport ferroviaire. Elle est l’un des plus grands constructeurs de trains à grande vitesse, tramways et métros, trains électriques et diesel entre autres. On entend souvent que l’Etat du Sénégal a sauvé la compagnie Alstom avec la commande de son TER. Est-ce une chose avérée?

L’entreprise fut confrontée à une dette de 5 millions d’euros et un accord de financement avec plus de 30 banques avait été mis en place pour un montant de 2,8 milliards d’euros.

L’Etat a infusé 300 millions d’euros sur les 600 millions d’euros de capital que l’entreprise cherchait. Cela a permi à Alstom de rembourser ses dettes qui devait arriver à échéance durant le premier semestre de 2004, d’augmenter ses fonds propres et le plus important dans cette intervention de l’Etat est le fait d’avoir préservé plus de 110 000 salariés dans le monde au moment de cette intervention et il faut aussi noter que si Alstom avait déclaré faillite, il y aurait beaucoup d’emplois directs et indirects en jeu et cela pourrait déstabiliser beaucoup d’économies locales.

En 2014, General Electric a racheté une partie de la branche énergie d’Alstom pour 12,35 milliards d’euros. Selon le site lesechos.fr, le groupe américain a repris 100% des turbines à gaz, 100% des turbines à vapeur hors nucléaire (sauf en France), 50% des turbines à vapeur nucléaires (et hors nucléaires en France), 100% de certaines énergies renouvelables (éolien terrestre, solaire, géothermie) et 50% des autres énergies vertes (éolien en mer et hydroélectricité), 50% des réseaux électriques. Cependant sur les 12,35 milliards d’euros GE a finalement versé 6,7 milliards d’euros en cash après avoir déduit l’investissement en numéraire dont la trésorerie de 2,5 milliards d’euros d’Alstom, et le montant payé par Alstom pour sa part des co-entreprises un montant de 2,6 milliards d’’euros.

Selon le site d’Alstom, en novembre 2015, Alstom a gagné le contrat de chemins de fer indiens pour construire une usine de locomotives électriques avec une commande de 800 locomotives pour un montant de 2,9 milliards de dollars. Toujours en 2015, Amtrak a attribué à Alstom un contrat de 2,5 milliards de dollars pour des rames à grande vitesse; cela a permis la création de 750 emplois dans l’Etat de New York dont 400 emplois directs chez Alstom. La commande consistait de 28 trains en août 2016.

En mars 2016, sous forme de coentreprise entre Alstom et Gibela, il y a eu la mise en place d’une usine de construction de trains en Afrique du Sud. Ces commandes comprennent 580 trains de voyageurs pour 4 milliards d’euros en 2013.

En septembre 2016, Alstom avait l’intention d’arrêter la fabrication de locomotives sur son site de Belfort en France en raison de faibles commandes et l’entreprise était prête à transférer son usine en Alsace, mais en octobre 2016, l’Etat français a passé une commande de 650 millions d’euros pour 15 rames, 20 locomotives et plus de 30 trains interurbains. Ces commandes ont suffi à empêcher la fermeture de l’usine de Belfort

Maintenant, d’après les chiffres officiels de l’Etat du Sénégal et les chiffres non-officiels, on entend souvent le montant du TER s’élevant entre 780 milliards FCFA et 1 000 milliards FCFA, donc entre 1,189,102,334.39 d’euros et  1,524,490,172.29 d’euros. Je vous laisse juger les chiffres et dire si la commande du Sénégal a sauvé Alstom.

ENFIN

Selon le FMI, l’investissement public fait référence aux dépenses du gouvernement consacrées aux infrastructures économiques telles que les aéroports, les routes, les chemins de fer, et les infrastructures sociales telles que les écoles, les hôpitaux et les prisons entre autres. Ce qu’il faut ajouter est que ces dépenses sont souvent élevées et leur durée de réalisation plus longue, ce qui rend leur budgétisation plus compliquée.

Au début du projet, on peut estimer le coût du projet, cependant dans la plupart de ces projets on note souvent un dépassement des coûts et cela peut créer des dépassements budgétaires pour chaque gouvernement. Les dépenses sont souvent appelées exceptionnelles, car nul ne peut prévoir à quel moment les dépenses seront exécutées. Tout projet majeur a un déséquilibre en termes de coûts et bénéfices, car les projets nécessitent un investissement initial important alors que le retour sur investissement prend du temps ou que cela ne soit pas le but de l’investissement.

Il ne faut jamais négliger l’aspect politique, car les leaders font aussi de la politique. Il y a des pressions politiques qui font que certains investissements voient le jour aussi. Il n’y a pas un seul gouvernement qui sélectionne les investissements en termes économiques seulement, ils ont aussi tendance à faire des choix politiques qui peuvent coïncider avec de bons choix économiques.

Ce qui est important est que l’Etat puisse dire qu’il a fait un examen préalable du projet pour s’assurer qu’il s’agit d’un projet utile et non un elephant blanc. Dans le cas du TER, tant que l’Etat peut montrer que le projet a subi un examen préalable qui démontre la nécessité de l’infrastructure en termes de nécessité ou que cela soit une vision inscrite dans le futur.

Après cette étape, il faut que l’Etat puisse prouver qu’une évaluation de l’infrastructure a été faite. Cette étape permettrait de justifier la meilleure façon de réaliser un tel projet. Elle consiste à une étude de préfaisabilité et une étude de faisabilité. Ces deux étapes justifieront la nécessité de l’infrastructure, le coût du projet et les alternatives à ce projet. Par exemple, dans le cas du TER, tant que l’Etat peut prouver que d’autres options ont été étudiées et que cette méthode de transport de masse est la plus optimale au moment de prendre la décision, nous devons croire en cela.

Parfois, on doit faire recours à un retour sur investissement en terme monétaire, mais dans certains cas on utilise l’analyse coûts-efficacité comme option. Au lieu d’analyser si le TER peut se rembourser, on pourrait plutôt analyser combien on gagnerait en terme d’indice de développement humain, en terme de pertes subies à cause des embouteillages, en terme de réduction de la pollution; il y a beaucoup de facteurs non-monétaires à prendre en charge.

Enfin, il y a l’aspect financier qui démontre comment le choix de financement a été fait en prenant en compte les dépenses et recettes prévues de l’infrastructure pour mieux choisir les méthodes de financement. Certains préfèrent les PPP, car ils sont financés en dehors du budget, mais peu importe le mode de financement, le prêt est toujours remboursé par des redevances d’usage ou par des taxes. Ils sont aussi souvent utilisés pour contourner la priorité des investissements publics.

Mohamed Dia

Top 10 de l'info

Haut