Différend Senelec – Itoc : les graves conséquences de la saisie des comptes de la société d’électricité par Baba Diao
L’affaire du fuel frelaté opposant la Senelec et l’International Trading Oil and Commodities (Itoc), société de négoce de pétrole brut de l’homme d’affaires Abdoulaye Diao dit Baba, datant de 2010, est revenue au-devant de la scène au gré d’une mesure conservative du juge du tribunal de commerce de Dakar. La déci- sion de justice visant à bloquer 7,5 milliards F Cfa de Senelec environ est en train d’occasionner des conséquences extrêmement graves. Senelec ayant les mains liées se trouve dans l’incapacité de payer ses fournisseurs. Si ces producteurs indépendants d’électricité (les IPP) décidaient de ne plus fournir à Senelec l’électricité, ce serait la catastrophe tant sur l’économie nationale que sur la vie sociale des Sénégalais. Mais déjà, Senelec a fait appel de cette décision de justice et les deux parties retournent au tribunal de commerce de Dakar demain vendredi.
On croyait avoir dépassé l’affaire dite du mauvais fuel op- posant la Senelec et Itoc. Mais non. En effet, le contentieux vieux de plus de 11 ans a refait surface. Comme par enchantement. Baba Diao (patron de Itoc) a pu obtenir, du tribunal de commerce de Dakar une mesure conservative en auto- risant le blocage de 7,5 mil- liards F Cfa de Senelec. Une décision que ne comprennent pas beaucoup de juristes d’au- tant que, disent-ils, ce genre de décision n’est pris que quand c’est un particulier insolvable ou quand il y a risque de fuite. Or, Senelec n’est pas insolvable et ne peut pas disparaître.
N’ayant pas trouvé tout le montant (7,5 milliards environ) dans un seul compte bancaire (ndlr : il faut rappeler que Senelec dispose de plusieurs comptes bancaires), l’huissier a décidé d’utiliser la décision de justice pour bloquer tous les comptes de la société d’électricité.
Une situation qui risque de créer des conséquences désastreuses aussi bien sur le plan de l’économie que sur la vie sociale des Sénégalais, notamment sur la sécurité. Tout va être bloqué. Aucun secteur ne va fonctionner. Quel investis- seur va mettre son argent dans un pays sans électricité ?
LE PAYS RISQUE DE PLONGER DANS LE NOIR
D’ailleurs cette décision de Itoc commence à produire ses conséquences au niveau de Senelec. En effet, depuis que la mesure conservative a été prise mi-décembre dernier, Senelec ne peut faire aucun payement, ne peut émettre aucun chèque et ne peut faire aucun virement. Cette situation, si elle continue, va tout simplement asphyxier Senelec. Parce que si la Senelec ne peut pas payer les producteurs indépendants et acheter du carburant pour alimenter les centrales, elle ne va plus pro- duire.
«Si la Senelec ne produit pas, c’est des délestages qui vont finir par un arrêt total de la production. Et le pays va entrer dans le noir et c’est ensuite des problèmes de sécurité qui vont se poser dans le pays», avait averti Habib Aïdara, secrétaire général du Syndicat unique des travailleurs de l’électricité (Sutelec) dans un enregistrement audio destiné aux travailleurs.
LES IPP SAUVENT LA FACE POUR LE MOMENT
Heureusement que les producteurs indépendants d’électricité (Ipp) qui fournissent environ 50% de l’électricité ont été compréhensifs à l’endroit de Senelec et continuent d’assurer la fourniture de l’électricité. Mais le jour où ils n’en pourront plus, ils arrêteront de fournir de
l’électricité à Senelec.
PETITE MONNAIE POUR SENELEC
Pourtant, tout cela pouvait être évité. Et pour cause, Senelec n’a jamais été aussi solvable qu’aujourd’hui. Les pas de géant accomplis par la société font qu’aujourd’hui les Sénégalais ont définitivement tourné le dos aux délestages intempestifs et même les gros clients comme la Sococim a décidé de revenir dans le portefeuille de Senelec. Mais sur- tout que Senelec, qui verse chaque mois 20 à 25 milliards aux 14 producteurs indépendants d’électricité avec qui elle travaille, ne refuse pas de payer si toutefois elle est définitivement condamnée, mais attend que l’affaire soit complètement vidée.
En effet, confie un cadre de la boîte, Senelec peut payer plusieurs fois 7,5 milliards sans que cela ne l’ébranle. «7,5 milliards, ce n’est pas grand chose pour la société. Pour les IPP et les autres fournisseurs, Senelec paie plus de 30 milliards par mois. Ce ne sont donc pas 7,5 mil- liards qui nous empêchent de dormir. La seule chose qu’on demande, c’est une décision de justice», informe un haut cadre de la boîte. Qui poursuit : «aujourd’hui Senelec est plus solide que jamais. Nous avons atteint un taux de pénétration de 60% pour le Woyofal. Ce qui constitue de grosses rentrées financières.
Senelec est courtisée par toutes les banques. Nous empêcher de continuer sur cette lancée pour cette modique somme par rapport à ce que Senelec fait comme chiffre d’affaires, c’est puérile».
SENELEC ET ITOC EN APPEL DEMAIN
En tout état de cause, Senelec a fait appel de cette décision de justice et les deux parties retournent au tribunal de commerce de Dakar de- main vendredi. Et cette fois-ci, il est demandé aux juges de voir les conséquences qu’une plus longue saisie des comptes pourrait avoir comme conséquence.
Avec Les Echos