Afrique

[Tribune] Cheikh Anta Diop sur la prière en Egypte antique – Par ASANTE Harouna

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Cheikh Anta Diop

« On adressait une invocation aux sept planètes. Le jeûne de 30 jours existait déjà- semblable à ceux qu’on pratiquait en Egypte. On priait sept fois par jour le visage tourné vers le nord. Ces prières qui sont adressées au soleil aux différents moments de son développement ressemblent assez aux prières musulmanes qui ont lieu aux mêmes phases mais qui ont été ramenées à cinq obligatoires par le prophète « pour alléger l’humanité », les autres étant facultatives.

Il y’avait aussi des sources et des pierres sacrées, comme à l’époque musulmane : Zenzen, source sacrée, Kaaba, pierre sacrée. Le pèlerinage à la Mecque existait déjà. La Kaaba aurait été construite par Ismaël, fils d’Abraham et d’Agar l’Egyptienne (négresse), ancêtre historique de Mahomet selon tous les historiens arabes.

On croyait déjà à la vie future, comme en Egypte. Les ancêtres morts étaient divinisés.

Tous les éléments nécessaires à l’éclosion de l’Islam étaient donc en place 1.000 ans avant la naissance de Mahomet et l’islam apparaîtra comme une  « épuration » du Sabéisme, par «l’envoyé de Dieu».

(Cf . Nations Nègres et Culture)

Analyse du texte

Ce passage fait partie des éléments dont se servent certains frères de l’idéologie kemite et/ou afrocentrique pour s’adonner à une critique religieuse stérile . En principe, il ne devrait même pas donner lieu à des polémiques inutiles. Un africain musulman qui lit ce passage n’est pas du tout surpris ou offusqué. Cela ne fait que lui rappeler ce que le Coran (Sourate 33)  a dit à ce sujet : «  Mouhammad n’est pas le père de l’un d’entre vous. Il n’est que le sceau ou dernier des prophètes ». Si le Coran dit clairement qu’il est le sceau des prophètes, ça veut dire que plein de prophètes sont passés avant lui. Il n’est donc venu que parachever la mission des autres messagers. Par conséquent, dire à un musulman que les actes rituels qu’il accomplit aujourd’hui étaient déjà pratiqués par d’autres peuples bien avant Mouhammad (Paix et Salut sur lui) ne l’étonne guère. Il le sait déjà à travers l’enseignement du Coran .

Contrairement à ce que certains pourraient penser, un musulman n’est guère surpris lorsqu’on lui parle de la probable origine égyptienne de ses actes rituels.

Il n’est donc pas exclu que ces prophètes soient des noirs de l’Egypte, de la Nubie, du Bandiagara, de Ouidah, d’Odienné etc.

Dans le Coran, il est écrit : «Je ne suis pas une innovation parmi les messagers…» (Sourate Ahqaf-46-9)

Un véritable initié percevra la Mâat comme le rapprochement de « sirat al-mustaqim » dans le Coran  et qui signifie  le droit chemin. Il verra aussi le lien avec de nombreuses écritures bibliques, coraniques ou alors même dans les spiritualités bouddhistes (Mahāyāna et Vajrayāna).

Il y a une forte correspondance entre les quarante-deux lois de la Mâat et l’enseignement du Coran et de la Bible.

Nous avons trouvé nécessaire mettre ces idéaux de le Mâat  à la disposition du lecteur :

Première loi : J’honore la vertu
Deuxième loi :Je profite avec gratitude
Troisième loi : Je suis en paix
Quatrième loi :  Je respecte la propriété d’autrui
Cinquième loi :J’affirme que toute vie est sacrée
Sixième loi :Je donne des offrandes véritables
Septième loi :Je vis dans la vérité
Huitième loi :Je regarde toutes les autels avec respect
Neuvième loi : Je parle avec sincérité
Dixième loi : 
Je ne consomme que ma juste part
Onzième loi : 
J’offre les messages de bonnes intentions
Douzième loi : 
Je raconte dans la paix
Treizième loi : 
J’honore les animaux avec respect
Quatorzième loi 
: Je peux faire confiance
Quinzième loi :  
Je me soucie de la terre
Seizième loi :      
Je garde mon propre conseil
Dix-septième loi : 
Je parle de façon positive des autres
Dix-huitième loi : 
Je reste en équilibre avec mes émotions
Dix-neuvième loi : 
Je suis confiant dans mes relations
Vingtième loi :        
Je tiens en haute estime la pureté
Vingt et unième loi :  
Je répands la joie
Vint deuxième loi :   
Je fais du mieux que je peux
Vingt troisième loi : 
Je communique avec compassion
Vint quatrième loi : 
J’écoute des opinions opposées
Vingt cinquième loi : 
Je crée l’harmonie
Vingt sixième loi : 
J’invoque le rire
Vingt septième loi : 
Je suis ouvert à l’amour sous diverses formes
Vingt huitième loi :
 Je suis indulgent
Vingt neuvième loi :  Je suis peu
Trentième loi :           
J’agis de manière respectueuse des autres
Trente et unième loi :  
J’accepte
Trente deuxième loi : 
Je suis ma guidance intérieure
Trente troisième loi : 
Je converse avec la sensibilisation
Trente quatrième loi : 
Je fais le bien
Trente cinquième loi :  
Je donne des bénédictions
Trente sixième loi : 
Je garde les eaux pures
Trente septième loi :  
Je parle avec de bonnes intentions
Trente huitième loi : Je loue la Déesse et le Dieu
Trente neuvième loi : 
Je suis humble
Quarantième loi :        
Je réalise avec intégrité
Quarante et unième loi :  
J’avance à travers mes propres capacités
Quarante deuxième loi :  
J’embrasse le Tout

Quant aux dix commandements de la Bible, ils sont les suivants :

Premier Commandement :   Tu aimeras Dieu par-dessus tout.

Deuxième commandement :  Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain.

Troisième commandement : Tu sanctifieras les fêtes.

Quatrième commandement : Tu honoreras ton père et ta mère.

Cinquième commandement : Tu ne tueras pas.

Sixième commandement :       Tu ne commettras pas d’actes impurs.

Septième commandement :   Tu ne voleras pas.

Huitième commandement :    Tu ne porteras pas de faux témoignage ni ne mentiras.

Neuvième commandement :   Tu ne te laisseras pas aller à des pensées ou des désirs impurs.

Dixième commandement      :   Vous ne devez pas convoiter la propriété d’un autre homme.

On voit bien que la Bible a repris les enseignements de la Mâat en les résumant en quelque sorte. Il en est de même pour le Coran qui a sensiblement amendé les 10 commandements de la Bible. Dans l’islam, neuf points des dix commandements ont été repris. Le seul point que l’islam ne pratique pas est le culte du Saba . On pourrait donc parler des neuf commandements du Coran.

C’est certainement pour cela que le chercheur sénégalais a affirmé lors de sa conférence de Niamey affirme : « La religion traditionnelle africaine a préparé la voie aux religions révélées. » Pour lui, le fait de rappeler ces faits ne doit pas accentuer la haine. L’objectif est de contribuer à la fraternisation universelle. Ainsi nous pouvons dire que ceux qui lisent ou utilisent les œuvres de l’égyptologue en distillant des messages de dénigrement contre la croyance des autres africains s’éloignent de son enseignement.

Tout comme le soleil qui brille sur l’univers, chaque peuple peut puiser les lumières issues de la spiritualité de son choix. S’il arrive qu’un noir se marie avec une européenne ou une chinoise, cela veut dire qu’il n’y a aucun problème à partager également avec elle sa spiritualité .  Lorsque je lis les enseignements du Dalaï Lama, je suis surpris de la sagesse qui y sont contenus. Parfois, j’ai l’impression d’être en train de lire le Coran ou la Bible.

Si un occidental peut épouser une africaine ou une asiatique, cela veut montrer qu’il n’y qu’une seule race : c’est la race humaine. Le fait de rejeter une spiritualité qu’elle ne serait pas issue de ta race ne reflète que l’absurdité.

Voilà pourquoi  Cheikh Anta Diop bien que musulman disait dans son ouvrage Civilisation ou Barbarie que pour réaliser l’unité religieuse, il fallait d’abord montrer le  lien historique indéniable qui existe entre la religion ancestrale égyptienne et les religions révélées. Grâce à ce lien historique, l’Africain comprendra qu’aucune idéologie n’est, par essence, étrangère à l’Afrique, qui fut la terre de leur enfantement. C’est ce qui était l’objectif du chercheur dans ses travaux. On peut donc en déduire que l’islam n’est pas étranger à l’Afrique puisque ces rituels étaient plus ou moins pratiqués en Egypte antique. Il n’y a donc aucun complexe à s’en approprier. Voilà pourquoi il insistait beaucoup sur la notion de fraternisation universelle.

Amadou Hampâté Ba disait : « Mon rôle est avant tout, chaque fois que j’ai l’occasion de rencontrer un croyant – qu’il s’agisse de mon frère chrétien, de mon frère judaïste, de mon frère bouddhiste, ou de mon frère des religions traditionnelles- de me mettre à son écoute. Il est temps, je crois, d’oublier nos divergences pour découvrir ce que nous avons de commun et essayer de bâtir, à partir de là, ce qui pourrait être la société religieuse de demain».

Ainsi le Professeur Cheik Anta Diop et le sage Amadou Hampâté Ba nous font comprendre que l’arbre a beau avoir différentes branches, le tronc et les racines sont les mêmes. En effet, les 42 lois de la Mâat se retrouvent sensiblement dans les 10 commandements de la Bible. Ces mêmes commandements se retrouvent également dans les enseignements du Coran.

Quelqu’un qui prône la spiritualité dite africaine tout en s’opposant à son prochain parce que ce dernier serait chrétien ou musulman ne prône aucune spiritualité en réalité. La véritable spiritualité ne saurait s’accommoder avec la haine. Alimenter les thèses divisionnistes revient à faire le jeu de l’impérialiste. Ceux qui alimentent ces discours sont manipulés puisqu’ils ne l’imaginent. Aujourd’hui, il serait illusoire d’appeler à l’éradication de l’islam en Afrique. Par conséquent, la sagesse voudrait que se concentre sur sa foi et respecte celle de l’autre. C’est aussi cela le panafricanisme.

Auteur

ASANTE Harouna

Chercheur indépendant

asanteh@live.fr

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