[Tribune] Les raisons de l’affirmation identitaire islamique forte chez les Noirs – Par ASANTE Harouna
Les principales raisons de l’attachement des populations noires africaines à l’islam sont les suivantes :
- La situation géographique de certaines zones aujourd’hui islamisées
Abdoulaye Bara Diop explique les raisons de la propagation de l’islam en pays Sénégambie comme suit :« Les raisons de la propagation de l’Islam en pays wolof , à cette époque et antérieurement , s’expliquent , d’abord , par la situation géographique de ce pays soumis à l’influence de l’islam, dès les XI ème siècle :proximité du sahaara occidental islamisé voisinage du Tekrur ( Futa –Tooro) converti à cette période. Le Mali – qui au XIII ème siècle s’étendait à l’Ouest jusqu’à la Gambie- était gouvernée par une dynastie musulmane dès les XII e siècle ; la région gambienne, aux XV e et XVI e siècle, sera un foyer d’islamisation plus intense que les pays wolofs situés au Nord. Cette expansion était favorisée non seulement par la conversion des souverains et mansas locaux de l’empire du Mali mais par le développement du commerce, de l’or en particulier, principalement entre les mains des musulmans manding.»
On retient donc que le dynamisme commercial et l’ouverture du royaume Bamoun aux lamidats du nord Cameroun manifestée ici par la conversion du roi des Bamoun ont brisé les politiques d’hostilité développées à l’endroit des étrangers dans le pays bamiléké favorisant ainsi l’installation et l’expansion de l’islam.
- La religion traditionnelle africaine ne portait pas en tant que tel une idéologie
Même si ce point peut susciter une polémique, il faut admettre que contrairement à l’islam et au christianisme qui ont des livres, la religion pratiquée par les africains n’avait pas de livre. Ce qui pose même un problème sur le concept de religion africaine. Il ne semble pas avoir d’uniformisation des rites. Quoique ces religions pratiquées en Afrique avaient des principes, elles n’avaient pas en tant que tel d’idéologies ou de lignes directrices. Cela a constitué une faiblesse face à l’arrivée des religions véhiculant des idéologies plus claires, plus rationnelles et plus précises.
Le sociologue Abdoulaye Bara Diop expliquant les raison du succès de l’islam ajoute : « Elle ( la religion traditionnelle) n’a pas été non plus, capable de protéger efficacement ses adeptes- idéologiquement et pratiquement- contre les abus du pouvoir monarchique , comme l’islam a tenté de le faire au moment où sévissait le plus de violence, avec l’accroissement de la traite des esclaves, à partir du milieu du XVII e siècle. » ( Cf. La société wolof, tradition et changement, p.214)
Pour le sociologue, le fait que la religion traditionnelle africaine n’ait pas pas une idéologie capable de mettre fin aux excès de pouvoir de pouvoir va favoriser l’expansion de l’isalm.
Cheikh Anta Diop écrit à ce sujet : « Le texte de Dan Fodio , bien que tardif (XIX e siècle) reflète une tendance qui était déjà impérieuse à l’époque des Askia (XVe –XVII e siècles) . Les religions africaines plus ou moins oubliées , se sclérosaient , se vidaient de leur contenu spirituel, de leur ancienne métaphysique profonde. Le fatras des formes qui en restaient n’était pas plus de taille à rivaliser avec l’Islam sur le plan moral ou rationnel. C’est sur ce dernier plan de la rationalité que la victoire de l’islam fut éclatante. » (Afrique Noire Précoloniale, p.157)
Il (p.160) explique encore : « Le besoin impérieux de rationalité reflété par les écrits de Dan Fodio était désormais mieux satisfait par l’Islam que par les cultes traditionnels agonisants. »
- L’islam permettait la vulgarisation du savoir
Plusieurs fils des rois animistes à l’instar de Lat Dior Diop étaient envoyés à l’école coranique afin d’avoir accès à l’instruction. Les cours des rois étaient remplies de conseillers musulmans . Les rois de la ville de Ségou bien qu’animistes envoyaient leurs enfants apprendre à lire et à écrire auprès des enseignants coraniques.
« La considération dont bénéficiaient les marabouts à cause de leur savoir et de leur science était un facteur d’expansion de l’islam, en suscitant des vocations religieuses parmi les populations. » ( Op ibid, PP219-220)
Quand le marabout El Hadj Malick Sy arriva à Dakar, il fut accueilli par les dignitaires lebous en vue d’enseigner les enfants de la communauté. Il fut logé dans une cour qui porte aujourd’hui l’enceinte du ministère de l’intérieur. Lorsque les colons donnèrent l’ordre aux lébous de quitter le quartier Plateau et de déguerpir vers Tilène en 1914 , c’est auprès de El Hadj Malick Sy qu’ils vinrent. Ce dernier partit les accompagner vers le site. Il pria pour le lieu et lui donna le nom de Médina en référence à la ville du Prophète. Tout cela se fit sans épée.
- Le mode de vie puritain des marabouts musulmans
Il faut dire que les populations souffrant des pillages et des rapines des tiédos ont été séduits par le mode de vie pur et sain des marabouts. Ces derniers ne boivent pas l’alcool, ne pillent pas. Cela a beaucoup contribué à l’islamisation des sociétés africaines en général et des sociétés du Sénégal en particulier.
Abdoulaye Bara Diop expliquant le processus d’islamisation du peuple wolof dans son livre affirme : « Lorsque Lat-Dyor , fugitif, se refugie au Sâloum, en 1864, il se rend auprès du tout-puissant marabout Ma-Bâ Diakhou ( Dyakhu) . La conversion de Lat-Dyor et de tous ses tiédos à l’islamisme parait une garantie, car elle mettra fin au brigandage. Reste, maintenant , à se demander , comment se fit l’islamisation du Kayor et quelles en furent les conséquences. Déjà en 1820, MOLLIEN écrit ces lignes clairvoyantes (p.106) : « le mahométisme fait chaque jour des progrès et deviendra bientôt la seule religion du pays du Cayor. La cour seule reste attachée au paganisme, plus favorable aux passions. » Arnaud en 1912, note (p.9) lucidement : « en ce pays ouoloff, jadis, l’intrusion de l’Islam constitua une véritable révolution sociale et fut, en réalité une opposition de la classe prolétaire à l’aristocratie, une lutte de classe ; les cultivateurs avaient pour les guerriers qui les exploitaient, les sentiments de répulsion les plus vifs. Grâce à l’islam, ils formèrent bloc contre l’aristocratie demeurée fétichiste , et les marabouts furent longtemps les chefs naturels de la foule contre ses oppresseurs des guerriers qui ne dissimulaient pas leur mépris pour les marabouts. »
Ainsi, quand Lat-Dyor revient au Cayor en 1869, il supprime le pillage (moyal) et les rapines et islamise les villages par la persuasion .
On constate que l’islamisation effective de la majorité du peuple wolof n’a eu lieu qu’après la conversion de Lat Dior Diop.
- Les rapprochements sociologiques et métaphysiques entre les pratiques musulmanes et la tradition africaine
Edward Wilmot Blyden lors de son séjour au Liberia n’avait pas manqué de faire cette ressemblance entre les pratiques islamiques et la tradition africaine. La tradition africaine autorise la polygamie. L’islam ne l’interdit pas non plus. Ce qui facilite le processus de conversion d’un chef à l’islam sans qu’il ne se sente obligé de répudier ses femmes ou de rester monogame. L’islam comme la tradition africaine insistent sur le respect des ainés et de l’autorité. Dans la tradition africaine, le plus jeune ne peut parler en public qu’avec la permission des ainés. Il en est de même avec l’islam où ce respect est primordial. Dans certaines confréries musulmanes au Sénégal, on ne s’adresse au guide religieux qu’en enlevant son chapeau en guise de respect. Certains talibés se mettent quasiment à genoux lorsqu’ils s’adressent à leurs maitres.
Selon Jean-Louis Triaud, il y’a dans cette affirmation islamique, un puissant ressort identitaire. L’appartenance à l’islam est présentée comme le meilleur moyen de rester africain et l’on met, à cet égard, en avant tous les points de contact entre les cultures islamiques et africaines ( respect des aînés , polygamie, famille élargie, hiérarchisation sexuée de la société, etc ). Dans une Afrique où les identités étatiques restent fragiles et médiocres, l’appartenance islamique apporte un supplément identitaire, source de fierté et complément « naturel » aux appartenances nationales (on pense ici notamment, au Sénégal et au Niger).
Pour ce chercheur ; même si les formes sont différentes, Le besoin de sacré, de légitimation religieuse, d’utopie d’un monde meilleur, de recours à des pratiques de guérison, de convivialité « paroissiale » , de mobilisation de forces surnaturelles , d’alternatives à la crise des États et du politique, est général et l’on peut, à cet égard établir des passerelles entre l’Afrique islamisée et celle qui ne l’est pas.
- L’auréole de sainteté des guides religieux et la parenté métaphysique
« D’autres raisons de la diffusion de la religion musulmane tenaient à l’attitude des marabouts qui avaient fait preuve de grande souplesse en s’adaptant au contexte socio-culturel de cette époque dominé par les croyances traditionnelles , avec le culte des ancêtres protecteurs ( tuur) et les pratiques magiques pour se préserver des dangers de toutes sortes et réaliser ses vœux. Les marabouts avaient su répondre à l’attente des chefs et du peuple – constamment menacés par les aléas de la nature : famines , épidermes, épizooties, et la violence des hommes : guerres, pillages, razzias- en jouant un rôle comparable à celui des magiciens traditionnels, notamment en confectionnant des amulettes servant de remèdes à tous les maux, protégeant de tous les risques et permettant l’accomplissement de tous les vœux. »
Le grand archiviste Oumar Ba s’appuyant sur les Archives du Sénégal ( dossier Ahmadou Bamba, lettre n°13 du 25 Avril 1903) explique la conversion de M’BAKHANE Diop dans les conditions presque surnaturelles de la manière suivante (p.188) : » Les relations entre AHMADOU BAMBA et M’BAKHANE furent très tendues au début, c’est-à-dire en 1903, en raison surtout que ce dernier effectuait pour le compte des Autorités coloniales. »
Quand M’BAKHANE arriva en mission sur ordre du colonisateur pour discuter avec le marabout, ce dernier délégua son jeune frère pour recevoir M’BAKHANE.
Face à l’insistance de M’BAKHANE, AHMADOU BAMBA sortit pour lui affirmer : » Depuis mon retour du Gabon, je ne veux plus avoir affaire avec les chefs, ni avec ceux qu’on appelle les Commandants, je n’ai affaire qu’à leur chef le Gouverneur que j’ai vu en passant à Saint-Louis ; et toi qui oses me parler ainsi, si je ne t’ai pas encore rendu malheureux, c’est que j’ai pitié de toi car je connais ton père, en plus de cela, ta tante t’avait recommandé à moi à mon passage à Keur Mactar ; sans cela tu ne sortirais pas sain et sauf d’ici. Prends donc garde qu’il t’arrive quelle malheur en rentrant. » »
Après des échanges qui firent forte impression sur M’BAKHANE, ce dernier ayant compris le jeu des autorités coloniales, se convertit sur le champ à l’islam. Le saint homme lui accorda son pardon et lui donna le nom de Abdoul Khafoor.
Bakhane sera affecté chez Cheikh Ibrahima Fall par Serigne Touba . Si Cheikh Ibrahima Fall a été choisi par Cheikh Ahmadou Bamba, c’est parce qu’il était aussi d’une famille royale. C’est de cette manière que la plupart des familles royales furent ainsi islamisées .
M’BAKHANE a décidé d’être inhumé à Touba après son décès. Sa tombe est donc dans cette cité religieuse.
Serigne Fallou Mbacke, deuxième Khalife de la confrérie était très réputé pour sa sainteté. Les populations l’avaient surnommé « Borom Naam Mouam ». Il aurait ressucité les morts à plusieurs reprises. Lors de la construction de la grande mosquée de Touba, il avait ressucité El Hadj Thierno Fall qui avait été écrasé par les pierres tombées du haut de 70 mètres. Une autre fois, il avait ressuscité un petit-fils de Serigne Issa Diène. Il aurait également redonné la vue à des aveugles.
Il en est de même pour Serigne Issa Rouhoullahi des layène. Il avait donné l’ordre à la mer de reculer et la mer a reculé.
El Hadj Ibrahima Niass était également réputé pour son don en miracles. Ses prières étaient immédiatement exaucées. Il a ainsi converti des millions de personnes à l’islam à travers l’Afrique. Des milliers de personnes au Ghana et au Nigeria se convertissaient lors de ses déplacements.
En effet, ce sont là des faits qui donnent un sentiment d’assurance et constituent aussi un vecteur d’adhésion à cette religion de la part des peuples anciennement animistes. Lorsque vous vous promenez dans les rues de Dakar ou de Bamako, il n’est pas rare de voir des gens qui ne jurent que par leurs marabouts. Ces derniers semblent avoir été une substitution par rapport aux anciens fétiches . Il en est de même dans les zones rurales où leurs prières sont très sollicitées pour avoir la pluie ou une bonne récolte.
- L’islam comme moyen de revendication de la liberté
Tout le monde se souvient de la révolution de Thierno Souleymane Baal , de la résistance des guides religieux à la colonisation.
La militance islamique (p.13) peut être vue, en première approche , comme une forme particulière de décolonisation. Qu’est-ce qui , mieux que l’islam , religion non-occidentale et réputée crainte ou méprisée par l’Occident, et la langue arabe, ignorée des Occidentaux, et illisible par ceux(ci, peut mieux marquer la rupture totale avec la culture des anciennes puissances coloniales ?
L’affirmation islamique s’enracine dans la profonde déception née de l’échec des modèles occidentaux. Cette déception est imputée aux seules puissances coloniales et postcoloniales. L’islam offre ainsi une nouvelle utopie « tiers-mondiste » , débarrassée des liens de dépendance avec l’Occident.
« Par contre, il ne fait aucun doute que l’islam avait gagné à sa cause ( anti-esclavagiste, en particulier) des larges fractions des populations wolof, au cours de XVIII ème siècle, considéré comme le grand siècle de la traite . »
Mais Abdoulaye Bara Diop écrit à la page 94 : « Ce n’est cependant , qu’à partir de la fin du siècle dernier , avec la destruction des monarchies par la conquête coloniale , que l’expansion de cette religion prend de grandes dimensions et finit par toucher toutes les populations wolof. »
Selon Abdoulaye Bara Diop :« La deuxième phase d’islamisation- commencée à partir du milieu du XVII ème siècle et marquée à son début par la guerre des marabouts- se réalisa avec le développement du commerce atlantique- en réaction aux pratiques auxquelles il donnait lieu- et qui profitait aux chefs politiques et portait gravement atteinte aux populations. Nous aurons, alors, un islam populaire qui tendra à s’implanter profondément dans les masses dont les marabouts les plus authentiques prenaient la défense en condamnant la violence et la traite des esclaves , par les armes au besoin. »
Abdoulaye Bara Diop évoquant la conversion de Lat Dior Diop en 1868 cite Et, Tamsir Ousmane Bâ (1957, P.578) écrit : « alors Lat-Dior décida de se faire musulman , de se rendre auprès de Maba avec l’espoir de reprendre ultérieurement le pouvoir. Il était accompagné de tous ceux qui lui restaient fidèles parmi lesquels Demba Waar… La reine mère se présenta à l’Almamy et lui parla ainsi : mon fils vient d’être détrôné par les Blancs. Nous venons embrasser la religion musulmane pour trouver auprès de vous, l’hospitalité qui nous était indispensable.
Selon le Professeur Martin DONLEFACK : « Au niveau du Cameroun, l’influence des lamibé a négativement affecté les conquêtes et l’administration coloniale au Nord et par conséquent l’expansion du christianisme dans cette partie du pays. Contrairement au Sud Cameroun, l’administration de cette partie du territoire a connu, pour les grandes étapes de l’occupation coloniale, une administration dite indirecte. Le choix de ce système d’administration est lié à la rigidité des sociétés musulmanes par opposition aux autres groupes socio-culturels présents au Cameroun et à la difficulté des impérialistes européens d’y imposer de véritables bases de la politique d’assimilation. »
Selon Martin Donlefack , « les résistances mieux organisées et les plus farouches en Afrique sont celles qui étaient dirigées par des leaders musulmans. Il s’agit entre autres d’El Hadj Omar de l’empire toucouleur, Samory Touré le malinké dans la boucle du Niger, Cheikhou Ahmadou du royaume de Macina, Le Mahdi Mohamed Ahmed au soudan, Abdel Kader en Algérie. Il s’agit aussi au Cameroun du lamido Mahaman à Tikar, le lamido Bouba Ndjida à Rey, le lamido Ahmadou à Mawa et les lamibé de Tibati et de Ngaoundéré. »
9. L’islam comme outil de préservation des mœurs
L’occidentalisation s’est traduite , aux yeux de ceux qui la combattent , par un « dérèglement « des valeurs et des repères moraux traditionnels. Les conceptions du « bien » et du mal se sont brouillées. Toute société a besoin d’un système de valeurs morales reconnues, sous peine de désagrégation et de perte de sens. Le « retour » à l’islam est ainsi présenté , à un premier niveau , comme une défense des valeurs morales traditionnelles de la société . L’affirmation islamique se veut comme un « réarmement moral » face à la « décadence « et à la « dégénérescence » des mœurs occidentales.
Au Sénégal par exemple, l’association qui s’est port » au devant de ces combats pour la préservation des valeurs sociétales est une ONG islamique JAMRA fondée par un compagnon de Cheikh Anta Diop à savoir Abdou Latif Gueye. Cette ONG est au devant de tous les combats visant à préserver les bonnes mœurs à travers le suivi des programmes à la télé, la veille sur les comportements ayant atteinte à la pudeur. Cette ONG est soutenue par une grande partie du peuple.
Ces propos du sociologue ont encore tous leurs sens aujourd’hui. Au Sénégal, c’est le collectif Jamra qui porte le combat contre l’homosexualité. Le Khalife Général des mourides n’a pas hésité à faire un communiqué le 7 Janvier 2022 condamnant l’homosexualité en le qualifiant de crime . Tout le monde se souvient du combat mené par l’imam Dicko au Mali contre les abus de la françafrique au Mali. Le fait que ces associations musulmanes soient au-devant de la scène contre la perversion des valeurs est une des raisons de l’appartenance à cette identité islamique. Ces postures séduisent le plus souvent ceux qui sont attachés aux valeurs africaines . Ce qui fait qu’un ‘’ traditionaliste africain ‘’qui se convertit à l’islam a l’impression qu’il « n’a pas changé d’univers métaphysique » comme le dit Cheikh Anta Diop.
10. L’Islam comme chaine de solidarité
L’appartenance à la nouvelle religion crée entre ses membres un ensemble de droits et de devoirs réciproques quelques que soient leurs appartenances sociales, ethniques ou sociales. Lorsque les fidèles retrouvent à la mosquée pour la prière, le planton peut se retrouver au même rang que l’homme d’Etat et prier côte-à-côte avec lui. Mais chacun doit s’assurer au préalable d’avoir enlevé ses chaussures. L’islam à travers cela rapproche le riche du pauvre et met à la fois le démuni et le nanti sur les mêmes pieds d’égalité. Dans les familles musulmanes en Afrique, à l’heure des repas, tout le monde se retrouve pour manger dans la même assiette. Les frais sont généralement pris en charge de façon anonyme par le plus nanti. Ce qui permet à chacun de manger à sa faim. L’islam leur a aussi permis de construire parfois un puissant empire économique à travers cette solidarité.
Tout le monde se souvient de Samba Djily Mbaye, Ardo Sow, de Drissa Diabagaté et de Nifa Diaby. Tous sortis directement du système éducationnel musulman sont parvenus à bâtir de puissances empires financiers. Ils ont à leur tour fait bénéficier les plus pauvres de leur générosité. Tous ont mené une vie ascétique, sans scandale mais exclusivement au service de leur communauté qui continuent de bénéficier de leur générosité parfois même après leur décès. Il est du devoir des membres de la communauté de procéder à la sépulture d’un membre lors de son décès. J’ai personnellement vu des gens affirmer leur appartenance à cette religion pour cette raison. Pour eux, ils ont au moins l’assurance d’être enterrés dans la dignité. Il faut dire que l’islam a été aussi un instrument de lutte contre la pauvreté.
Dans les grandes villes du Sénégal par exemple, à l’occasion du mois de jeune, il n’est pas rare de voir toute une équipe de personnes en train de fournir les repas de rupture à tout passant. C’est à travers ce chainon de solidarité que des villes comme Touba , Kaolack, Tivaouane, Nioro ont connu de grandes infrastructures. Si Touba est devenue la deuxième ville économique du Sénégal, c’est en grande partie du à la solidarité des talibés qui y font affluer les fonds de toutes parts pour construire la cité religieuse. Le Khalife a pris sur lui le soin de payer les factures d’eau de tous les habitants. Ainsi, il arrive aux habitants des villages environnants de se rattacher volontairement à Touba en vue de bénéficier ou de participer à cette chaine de solidarité. Comme nous l’avons dit, il n’y a pas que Touba . Kaolack est quasiment devenu un carrefour entre populations africaines diverses. Les gens y affluent quotidiennement du Nigeria, du Ghana, de la Cote d’Ivoire en vue de participer à la revivification des sciences religieuses comme le disait Ghazali. L’islam est ainsi devenu facteur de rencontre et de solidarité entre peuples africains à travers ces pôles religieux.
Auteur
ASANTE Harouna
Chercheur indépendant
asanteh@live.fr