[Tribune] Mon intime conviction sur l’autosuffisance alimentaire – Par Mouhamed Diop
Après avoir été abandonné à la suite de l’échec du plan de Lagos dans les années 1980, le concept de l’autosuffisance alimentaire est remis au goût du jour sous nos tropiques particulièrement au Sénégal car permettant de lutter efficacement contre la pauvreté, de créer une chaîne de valeur ajoutée, de réduire considérablement les importations en riz estimées à 114 milliards de francs CFA d’après Le Plan Sénégal Émergent (PSE) soit 10% de la balance commerciale, de se prémunir contre les aléas du marché international marqués par des incertitudes et de répondre significativement au croît démographique estimé à 2,5% par an.
Cette nouvelle orientation du gouvernement et des autorités est clairement formulée d’abord dans le DSRP 2 ( document stratégique de réduction de la pauvreté), dans la SCA ( stratégie de la croissance accélérée), dans la LOASP ( loi d’orientation agro-sylvo-pastorale , dans le PRACAS ( programme de relance et d’accélération de la cadence de l’agriculture sénégalaise), dans le PRODAC ( programme des domaines agricoles communautaires) et dans d’autres plans et programmes qui se sont succédé depuis une vingtaine d’années en faisant de l’autosuffisance alimentaire une préoccupation majeure et en déployant une grande offensive agricole afin d’atténuer les effets pervers des importations et passer par ricochet d’une agriculture de subsistance à une agriculture commerciale.
Aujourd’hui si cette revendication ambitieuse reste légitime et possible pour assurer une autosuffisance et une sécurité alimentaires, force est de constater que nous devons éviter les erreurs commises dans le passé.
D’emblée, il est important de magnifier l’augmentation du budget consacré à l’agriculture estimée actuellement à 171milliards.
C’est pourquoi d’ailleurs nous prévenons très sincèrement qu’une gestion trop dirigiste et nationaliste de l’agriculture sénégalaise par une bureaucratie en déphasage et très éloignée des réalités du terrain et dépassée par les nouvelles techniques agricoles peut avoir des conséquences néfastes.
C’est la principale raison pour laquelle le plan d’action de Lagos ( PAL) qui s’était inspiré des travaux d’économistes et d’experts avec un objectif d’imposer un nouvel ordre économique international a connu malheureusement dans la quasi-totalité des pays d’Afrique un cuisant échec.
En légitimant un certain dirigisme étatique, la stratégie de l’autosuffisance alimentaire a provoqué une déconvenue notamment l’exemple de la Gambie sous l’ère du dictateur Yaya Diamé qui avait entraîné son pays dans une politique obscurantiste en interdisant l’importation des denrées alimentaires de première nécessité. Cette mesure populiste avait prolongé la Gambie dans une spirale déflationniste.
Par ailleurs, la Zimbabwe sous la présidence de Robert Mugabe qui, au nom de la souveraineté alimentaire avait chassé les fermiers britanniques plongeant le pays dans une récession économique hors du commun.
C’est pourquoi au Sénégal même s’il faut saluer les avancées significatives dans la politique de l’autosuffisance alimentaire prévue en 2017, il n’en demeure pas moins qu’il reste beaucoup d’efforts à faire pour pallier les insuffisances de cette contre-performance.
Voilà pourquoi nous suggérons à l’avenir qu’un budget conséquent soit alloué dans la production, la diversification et la valorisation des produits agricoles pour asseoir une avancée significative et réelle dans l’agriculture sénégalaise.
C’est parce que certains pays comme les États-Unis, le Canada et le Brésil ont fait des prouesses techniques en matière agricoles en faisant des investissements dans la recherche, l’accompagnement et l’appui-conseil, voilà pourquoi ils ont réussi à atteindre non seulement l’autosuffisance et la sécurité alimentaires, mais également à faire des exportations partout dans le monde confirmant ainsi leur place de leader.
Mouhamed DIOP