Élections

Législatives 2024 : les réflexions du Pr Ismaila Madior Fall sur la victoire du Pastef d’Ousmane Sonko

Ismaila Madior Fall
Ismaila Madior Fall, Professeur de droit public à l'Université Cheikh Anta Diop, Ancien ministre d'Etat

L’ancien ministre et constitutionnaliste renommé, le professeur Ismaila Madior Fall, a récemment partagé son analyse de la victoire du parti Pastef aux élections législatives. Dans une réflexion empreinte de lucidité et de pragmatisme, il a souligné l’importance de cette victoire dans le paysage politique sénégalais.

Pour le professeur Fall, ce résultat traduit une aspiration profonde des Sénégalais à un changement radical dans la gouvernance du pays. « Cette victoire n’est pas simplement une victoire électorale. Elle représente une recomposition majeure de l’échiquier politique, où les jeunes et les classes populaires ont joué un rôle central », a-t-il déclaré.

L’ancien ministre a également insisté sur le défi que représente désormais cette victoire pour Pastef. Selon lui, au-delà de l’euphorie électorale, il incombe aux élus de transformer cet élan populaire en actions concrètes, capables de répondre aux attentes des citoyens. « Une victoire électorale ne garantit pas le succès politique. Les électeurs attendent des réformes audacieuses, une gouvernance exemplaire et une amélioration de leur quotidien », a-t-il averti.

Le professeur Fall n’a pas manqué de rappeler que cette montée en puissance de Pastef est aussi le résultat des erreurs stratégiques des formations politiques traditionnelles. Il appelle ces dernières à une introspection pour comprendre les raisons de leur recul et à réinventer leurs approches pour reconquérir la confiance des électeurs.

Cette réflexion d’Ismaila Madior Fall témoigne de son attachement à une démocratie forte et à un débat politique constructif, loin des polémiques stériles. Il conclut en invitant l’ensemble des acteurs politiques à travailler ensemble pour le bien commun et l’avenir du Sénégal.

Voici l’intégralité de la réflexion du professeur Ismaila Madior Fall

Je remercie les populations des 11 communes du département de Rufisque pour leur accueil chaleureux pendant la campagne électorale.

J’adresse mes félicitations à la liste du Pastef. Si elle a triomphé, c’est le peuple sénégalais qui a gagné.

Ces résultats m’inspirent trois réflexions :

1. De quelque manière que le Peuple veuille, l’essentiel est qu’il veuille. Le peuple sénégalais a, en cohérence et en continuité de mars 24, choisi la confluence des majorités parlementaire et présidentielle. Ce réflexe conservateur de la stabilité politique devrait, à la faveur de l’harmonisation (à 5 ans) de la durée des mandats du Président et des députés, être institutionnalisé par le réaménagement du calendrier républicain pour l’organisation de la présidentielle et des législatives concomitamment (comme c’était le cas de 1963 à 1988) ou à quelques jours de décalage. On aurait fait l’économie de 7 mois d’incertitudes politiques et de tension électorale.

2. La dimension personnelle du Premier Ministre sur les résultats induit un changement dans le fonctionnement du régime politique. Inédit : celui qui a la faveur des électeurs n’est pas à la tête de la magistrature suprême. Dans un régime présidentiel, c’est une incongruité à corriger d’urgence par une conjugaison des recettes de l’ingénierie constitutionnelle et de l’art de gouverner. Il y va de l’harmonie au sein de l’exécutif et de la stabilité politique du pays. On rappelle que le Sénégal a un régime bi-représentatif où le scrutin présidentiel et le scrutin législatif sont d’égale dignité légitimante pour le pouvoir.

3. La disqualification judiciaire d’un des candidats favoris à l’élection présidentielle de mars 2024, et ses conséquences sur le fonctionnement du régime politique, ne doit-elle pas nous amener, pour l’avenir de notre démocratie, à nous inspirer de la jurisprudence d’il y’ a quelques semaines de la Cour suprême des Etats-Unis ordonnant la suspension des poursuites judiciaires contre les candidats jusqu’après la présidentielle? Cette question ouvre, comme y invite la société civile, une perspective de toilettage consensuel des conditions d’éligibilité à la Présidence.

Un pays doit être instruit par sa propre histoire et parfois celle d’autres pays.
Que Dieu veille sur le Sénégal.

Ismaila Madior Fall
Professeur de droit public à l’Université Cheikh Anta Diop
Ancien ministre d’Etat

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