Restrictions migratoires aux USA : Trump menace de fermer les portes de l’Amérique aux Sénégalais, Dakar alerte ses ressortissants


Dans un contexte de durcissement des politiques migratoires aux États-Unis, le Sénégal est désormais dans le viseur de l’administration Trump. Selon des révélations du Journal américain « The Washington Post », publiées le 15 juin 2025, le pays figure parmi une liste de 36 États – dont 25 africains – que les autorités américaines envisagent de sanctionner, en interdisant l’entrée de leurs ressortissants sur le territoire américain. Cette décision, motivée par des considérations sécuritaires et administratives, pourrait avoir des répercussions majeures sur les relations entre Dakar et Washington, et affecter des milliers de Sénégalais établis ou aspirant à s’établir aux États-Unis.
L’annonce n’est pas encore officielle, mais elle inquiète déjà les chancelleries africaines. D’après des informations révélées par le Washington Post, l’administration du président Donald Trump, réélu en novembre 2024, s’apprêterait à élargir sa liste noire migratoire. Dans le viseur : trente-six pays, dont vingt-cinq du continent africain. Le Sénégal est cité parmi ceux qui pourraient faire l’objet d’une interdiction totale d’entrée sur le territoire américain. Cette mesure, qui rappelle le tristement célèbre “Muslim Ban” de 2017, s’inscrit dans une politique migratoire de plus en plus rigide, fondée sur des critères de sécurité intérieure, de coopération consulaire et de fiabilité des systèmes d’état civil.
Le cas sénégalais cristallise plusieurs griefs exprimés par Washington. D’abord, les autorités américaines mettent en doute la qualité des documents d’identité sénégalais, en particulier les passeports biométriques, jugés insuffisamment sécurisés. Elles pointent également du doigt des défaillances dans la délivrance de ces documents, notamment en matière de vérification de l’identité des demandeurs. À cela s’ajoutent des accusations plus sensibles, liées à des pratiques administratives jugées opaques, voire corrompues, dans la délivrance de certains visas. Le Sénégal est aussi épinglé pour le nombre élevé de ses ressortissants ayant dépassé la durée légale de séjour aux États-Unis. Enfin, certaines critiques américaines viseraient la politique de naturalisation sénégalaise, perçue comme trop permissive, ouvrant potentiellement la porte à des détournements.
Si cette mesure devait être confirmée, elle constituerait un véritable coup dur pour le Sénégal, dont les relations avec les États-Unis sont pourtant anciennes, solides et marquées par une coopération historique dans les domaines de l’éducation, de la sécurité et de l’économie. Mais depuis quelques années, la question migratoire s’est imposée comme un point de friction. La montée en puissance des routes migratoires irrégulières, notamment via l’Amérique centrale, a suscité une vigilance accrue des services américains. Des milliers de Sénégalais ont tenté de rejoindre les États-Unis par le biais du Nicaragua, exploitant une faille dans la politique migratoire régionale. Un phénomène qui, selon Washington, contribue à alimenter une immigration clandestine difficilement contrôlable.
Face à cette situation, l’administration Trump aurait adressé un ultimatum aux pays concernés. Ceux-ci disposeraient d’un délai de deux mois pour se conformer à un ensemble d’exigences. Pour le Sénégal, cela signifie renforcer la qualité des documents d’identité, accélérer les procédures de délivrance des laissez-passer consulaires pour le retour des migrants en situation irrégulière, améliorer les échanges de données biométriques avec les agences américaines de sécurité, et s’engager dans une coopération consulaire active et transparente. L’objectif américain est clair : verrouiller ses frontières, tout en contraignant les pays d’origine à assumer une part plus importante de la gestion des flux migratoires.
Le ministère sénégalais de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères ne semble pas être resté inactif. La veille de la publication de l’article du Washington Post, il a diffusé un communiqué officiel alertant l’opinion sur la révision par les États-Unis de leur dispositif de lutte contre l’immigration irrégulière. Dans ce texte, les autorités sénégalaises relaient les nouvelles mesures américaines, notamment l’interdiction d’entrée sur le sol américain pour toute personne reconnue coupable d’immigration irrégulière, même en cas d’antécédents judiciaires anciens.
Le communiqué appelle les ressortissants à vérifier la validité de leur visa avant tout départ, à respecter scrupuleusement la durée de leur séjour, et à solliciter les services consulaires pour toute information complémentaire. « Les Missions diplomatiques et consulaires du Sénégal poursuivent les actions de sensibilisation nécessaires pour protéger les intérêts des Sénégalais résidant aux USA et travaillent en étroite collaboration avec l’Administration américaine dans l’esprit des excellentes relations de coopération entre les deux pays. », note le communiqué des services de Madame Yasine Fall.
Sur les réseaux sociaux, la réaction est immédiate. De nombreux internautes dénoncent une politique discriminatoire, certains évoquant un “apartheid migratoire”. Des voix s’élèvent pour appeler l’État sénégalais à réagir avec fermeté, et à refuser toute soumission unilatérale à une politique américaine jugée brutale. D’autres, plus pragmatiques, insistent sur la nécessité pour Dakar de moderniser ses dispositifs administratifs, et d’adopter une stratégie diplomatique offensive pour éviter une mise au ban potentiellement catastrophique.
Dans un contexte où la diaspora sénégalaise aux États-Unis joue un rôle économique et social de premier plan, notamment par les transferts financiers et les investissements dans le pays, cette menace de fermeture constitue un signal alarmant. Si elle se concrétise, elle pourrait compromettre les projets de milliers de jeunes, briser des parcours familiaux, et assécher un lien stratégique entre les deux pays.
L’enjeu est donc majeur, à la fois pour la souveraineté administrative du Sénégal et pour l’avenir de sa relation bilatérale avec une puissance mondiale. Le gouvernement du président Bassirou Diomaye Faye, élu sur la promesse d’un renouveau politique et d’une gouvernance plus rigoureuse, devra faire preuve de réactivité, mais aussi de subtilité diplomatique. Il lui faudra convaincre sans se renier, coopérer sans se soumettre, défendre la dignité des Sénégalais tout en évitant l’escalade.
Aujourd’hui même si rien ne dit encore que l’administration Trump activera cette mesure et que l’histoire récente montre que les annonces tonitruantes de Washington ne débouchent pas toujours sur des politiques concrètes, Dakar, à défaut d’ignorer le signal, doit s’y préparer. Car dans la nouvelle Amérique de Trump, les portes se ferment vite, et souvent sans appel.
Sidy Djimby NDAO
Correspondant Permanent en France
