Inauguration de la «place de l’Europe» à Gorée : Augustin Senghor accusé d’insulter l’histoire
Cérémonie d’innauguration Place de l’Europe à Gorée
©klinfos.com-jeudi 10 Mai 2018 – Une gifle à l’Afrique et à tous les descendants d’esclaves, c’est ainsi que les Sénégalais et les Africains ont qualifié l’inauguration de la «place de l’Europe» sur l’île de Gorée. Le maire de Gorée, Augustin Senghor, qui a été au centre de cette inauguration, a été pris pour cible par les panafricanistes qui, au-delà de le traiter de tous les noms d’oiseaux, ont interpellé le président de la République, lui demandant de rétablir la dignité des peuples noirs.
Feu Joseph Ndiaye, qui avait expliqué le retard de l’Afrique par le fait que la traite des Noirs fut un des plus grands génocides que l’humanité ait jamais connus et que, disait-il, ce transport brutal et massif de millions de Noirs permit à la quasi-totalité du Nouveau monde de construire ses réalités politiques, économiques et sociales, risque bien de se retourner dans sa tombe. La raison : l’histoire pour laquelle il a consacré toute sa vie a été «insultée» et de la plus indigne des manières.
#Senegal Vague d’indignation avec la Place de l’Europe au cœur l’île de Gorée, décision du Me Augustin Senghor, par ailleurs président de la Fédé de football du Sénégal.
C’est pourquoi @absatou disait qu’il faut apprendre l’histoire et ce n’est pas le cas de Augustin.@kebetu pic.twitter.com/W46nY5aHm9— Cheikhoul Khadim (@yaramfall58) 10 mai 2018
En effet, cette histoire que le défunt conservateur de la Maison des esclaves a raconté aux plus grands du monde pendant des dizaines d’années, disant que «pendant trois siècles et sans répit, ils furent chassés, traqués, arrachés à leur sol natal sous la torture et l’humiliation», vient de recevoir un sacré coup.
Et pour cause, le Conseil municipal de Gorée, avec à sa tête le maire Augustin Senghor, a organisé au sein de l’Ile, une cérémonie d’inauguration qui a affecté plus d’un, au point d’occasionner une vague d’indignation et de critiques au Sénégal et au-delà.
Et le pire dans tout ça c’est qu’au moment du speech du maire de Gorée , à aucun moment les mots « esclave/esclavage », « traite », « crime », ne sont prononcés.
« Monsieur nous parle d’une ‘’Gorée internationale’’, d’une ‘’Gorée européenne’’, des ‘’liens’’ qui unissent Gorée à l’Europe, sans jamais caractériser la nature de ces liens. Et bien sûr, nous avons droit au sempiternel refrain sur la nécessité ‘’d’aller de l’avant’’. Avancer, oui, mais vers quoi ? Plus de justice ou encore plus d’infamie ? Plus d’égalité économique ou plus de profits pour une minorité ?», se questionne le célèbre panafricaniste guadeloupéen João Gabriell .
Guy Marius Sagna arrêté après avoir déchiré la bâche de la profanation
Ça a commencé par l’alerte de l’activiste Guy Marius Sagna. Le leader du collectif «France-Dégage» s’est rendu à Gorée, hier, pour marquer son courroux et a fait un post pour décrier «l’insulte». «Profanation de Gorée. La pauvreté de la commune de Gorée ne peut justifier cette profanation. Aucune stratégie de captation des 100 millions de l’UE ne peut justifier que Gorée soit souillée par cette place attribuée à nos oppresseurs d’hier et d’aujourd’hui», a noté l’activiste membre de Pastef-Les Patriotes, qui ajoute : «En attendant qu’Augustin revienne sur son insulte, Je viens de déchirer la bâche de la profanation».
Ainsi dit, ainsi fait. L’ancien directeur de campagne du parti de Ousmane Sonko aux dernières législatives, passe à l’acte avant de se faire arrêter par la police de Gorée qui l’a aussitôt embarqué dans la chaloupe, direction la police du Plateau.
Outre Guy Marius Sagna, plusieurs autres Sénégalais et même des Africains ont manifesté leur colère. C’est le cas de cet internaute qui note qu’il n’y a pas pire insulte, quelques jours après la commémoration du massacre et de la déportation des millions d’Africains vers les Amériques. «Monsieur le maire, gardez votre amnésie intellectuelle. Nous peuples d’Afrique, n’oublierons jamais notre passé, car notre futur en dépend», critique-t-il.
Alors que celui-là compare l’acte du maire de Gorée à celui du personnage Stephen dans le célèbre western «Django». «Une honte, une insulte pour tous les descendants d’esclaves. La prochaine fois, il faut proposer la place Hitler en Israël», critique-t-il, regrettant que nos dirigeants n’aient «aucun respect pour nous».
Pour le nommé Mbaye Tall, les actes posés par le Conseil municipal de Gorée relèvent de l’ignorance de notre histoire par ceux-là qui sont chargés de diriger. «L’ignorance de son histoire, ses racines, sa culture, ses repères et symboles est une des pires formes du reniement de soi. On devient un danger ou une bombe humaine pour sa propre communauté et on souille tous les lieux sacrés et chargés d’histoires». Alors que le nommé Alassane Ndiaye résume la situation : «Inauguration de la place de l’Europe sur l’île de Gorée ce matin. En d’autres termes, honorer les bourreaux et les hisser en héros là où ils ont soumis nos ancêtres à l’esclavage».
Et Amadou Demba Diallo d’ajouter : «C’est une honte pour toute l’Afrique et sa diaspora. L’histoire jugera le maire Augustin Senghor et son Conseil municipal coupables de son baptême en grande pompe ce 09 mai 2018», note-t-il ajoutant que le « débaptême » de cette place devient œuvre de salubrité africaine et invitant le Président Macky Sall : «par respect pour nos ancêtres faites disparaître cette place».
La seule place de l’Europe à Gorée c’est derrière grilles de la Maison des Esclaves. L’Europe doit purger sa peine dans le tribunal de sa conscience. Les africains doivent refuser que cette terre soit profanée par une Résilience à la con #Goree #Senegal #Europe @UnionEuropeaRD pic.twitter.com/63n8Q07rJS
— M O ® I B A (@moriba_cissokho) 10 mai 2018
L’ambassade de France au Sénégal s’en réjouit
Du côté de l’ambassade de France au Sénégal, on s’est très vite réjoui de cette cérémonie. Dans un post sur le compte Twitter officiel de l’ambassade, on magnifie : «l’Inauguration de la place de l’Europe sur l’île de Gorée ce matin». «Le maire de la ville, l’ambassadeur de l’Union Européenne et le secrétaire général du ministère de la Culture ont évoqué les belles perspectives d’avenir de cette île, témoin d’un cruel passé», poste-t-il.
Sidy Djimby NDAO (Les Échos)
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