Rwanda : vingt-cinq ans après, retour sur les lieux du génocide
Avec « Le Monde Afrique », Klinfos.com restitue, à travers neuf sites emblématiques, la tragédie qui fit 800 000 morts en cent jours parmi les Tutsi et les Hutu modérés.
Vingt-cinq années se sont écoulées. C’est le temps d’une génération. Le 7 avril 1994, au lendemain de l’attentat qui a provoqué la mort du président Juvénal Habyarimana, a commencé au Rwanda le dernier génocide du XXe siècle. En cent jours, il a provoqué la mort de 800 000 Tutsi et Hutu modérés, selon l’ONU, dans des conditions qui, aujourd’hui encore, continuent d’interpeller.
Un quart de siècle est passé, mais les images associées au Rwanda de 1994 ne s’effacent pas. Personne n’a oublié ce qu’il a ressenti en découvrant à la télévision ces corps découpés à la machette le long des routes et ces centaines de crânes alignés sur des tables en bois. Si le sentiment de tristesse et d’horreur n’a pas disparu, une question revient en boucle, encore aujourd’hui : pourquoi une telle haine ? S’il est une certitude, c’est que l’humanité a montré son visage le plus sombre dans l’enfer du Rwanda. A Kigali, Kibuye ou Gitarama, des hommes ont massacré leur femme à coups de massue, des mères ont tué leur bébé en le jetant contre un mur. Il faudrait plus qu’une vie pour l’oublier.
Vingt-cinq ans après, la terre des vertes collines restitue toujours des cadavres au hasard d’un labour ou d’un violent orage. Mais comme pour tous les génocides, le Rwanda doit lutter contre des théories révisionnistes et négationnistes. Alimentées principalement depuis la France et la Belgique, elles se diffusent sur Internet et les réseaux sociaux. Pour y faire face, il y a les cours d’histoire à l’école et les commémorations. Chaque année à partir du 7 avril, le pays organise des cérémonies émouvantes où le terme « Kwibuka » (« souviens-toi », en kinyarwanda) revient comme un slogan. Sous l’égide d’Ibuka, l’organisation qui chapeaute toutes les associations de rescapés, les diasporas française, belge ou américaine se mobilisent.
« La réconciliation est un lent processus »
Lorsque la « saison des machettes », comme l’a écrit le journaliste Jean Hatzfeld, s’est achevée en juillet 1994, le Rwanda était en lambeaux. Il n’y avait plus d’administration, plus d’école, aucune structure de soin, et il fallait enjamber les corps sur les trottoirs. Le « pays des mille collines » n’a pas chômé pendant ce quart de siècle. A marche forcée, il s’est reconstruit, au point de se présenter maintenant comme l’une des meilleures réussites économiques du continent, même s’il reste dépendant de l’aide internationale. Il montre l’exemple en matière de lutte contre la corruption, de technologie, d’accès à l’éducation, de santé, et se veut leader pour la défense de l’environnement ou la parité hommes-femmes dans le gouvernement et la haute administration.
Le Rwanda a aussi retrouvé la paix. Misant sur un tourisme haut de gamme pour accélérer son développement, il est devenu l’un des pays les plus sûrs d’Afrique. Mais est-il pour autant réconcilié ? « La réconciliation est un lent processus, des efforts ont été faits mais nous ne sommes pas encore arrivés au bout », répond Jean Damascène Bizimana, secrétaire général de la Commission nationale de lutte contre le génocide. « Je ne dirais pas que le pays est pacifié mais qu’il est sécurisé, grâce notamment à un pouvoir fort », analyse Assumpta Mugiraneza, historienne et sociologue.
Les années passent, un homme reste. En août 2017, Paul Kagame, qui a libéré le pays en 1994 à la tête du Front patriotique rwandais (FPR), a été réélu avec 98 % des suffrages pour un troisième mandat. Il incarne ce pouvoir fort qui est pointé du doigt par plusieurs ONG telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch.
Des espaces sanctuarisés ou réaménagés
Si les hommes ont une mémoire, les lieux aussi. Le Monde Afrique s’est intéressé aux sites qui ont marqué le génocide des Tutsi. En rencontrant les témoins d’hier et d’aujourd’hui, nous sommes retournés au camp Kigali, à l’église Saint-Jean de Kibuye, dans les locaux de la Radio des Mille Collines, dans la résidence du président Habyarimana… Même s’il reste des zones d’ombre, que sont devenus ces lieux où l’histoire s’est écrite il y a vingt-cinq ans ? Si certains espaces ont été sanctuarisés, d’autres ont disparu ou ont été réaménagés. Ensemble, ils racontent le génocide au Rwanda.