Prolongation diplomatique de Sénégal-Algérie : les conséquences très politiques de la finale de la Coupe d’Afrique des nations en France
Les rideaux sont tombés sur la Coupe d’Afrique des nations 2019, vendredi, avec comme clap de fin une finale moyenne, remportée par l’Algérie devant le Sénégal. Les deux équipes ont été accueillies respectivement à Alger et à Dakar par des milliers de personnes. Mais, si c’est l’aspect sportif qui a prévalu dans les deux pays concernés, un peu plus loin, en France, c’est surtout sous l’angle politique que la fête du football africain a été vue.
«L’histoire permet d’expliquer le présent, de le justifier et de l’éclairer…», disait l’écrivaine, journaliste et criminologue québécoise d’origine polonaise, Alice Parizeau. En procédant à la colonisation de l’Afrique, la France scellait par la même occasion une relation particulière avec le Continent noir. De ce fait, tout ce qui touche aux pays d’Afrique francophone touche forcément la France. Ainsi, une finale de Coupe d’Afrique des nations opposant le Sénégal, ancienne tête de pont de la métropole en Afrique de l’Ouest et l’Algérie, pays ayant la plus grande communauté étrangère en France, ne pouvait pas faire exception.
La finale de la Can a été très suivie en France. Le match a été suivie par 1,6 million de téléspectateurs sur TMC, chaîne de télévision généraliste française d’origine monégasque du Groupe TF1. Soit une part d’audience de 10,1%. Une audience qui a donné à TMC la quatrième place de la soirée du vendredi devant notamment France 3. C’est donc désormais un fait, l’Afrique est une réalité du quotidien de la France. Mais la France, c’est également ses divergences politiques profondes, avec une société de plus en plus complexe et qui vote de plus en plus pour l’extrême-droite.
Devant un tel scénario, la cohabitation entre une partie de la France et les réalités de ses anciennes colonies n’est pas forcément des meilleures. Ainsi, les conséquences de la finale de la Coupe d’Afrique des nations a été surtout politiques qu’autre chose, au pays de Marianne, notamment chez les sympathisants du Rassemblement nationale (Rn, ex Fn). Et c’est Marine Le Pen elle-même qui a ouvert le bal d’indignation. Sur une vidéo de 2 minutes 47 secondes, la patronne de l’extrême-droite en France qui, contrairement aux autres qui ont évoqué la question, a nommément cité et accusé les supporters algériens, s’attaque à ce qu’elle qualifie d’«importation en France des pratiques des zones de l’ombre».
«Blocages de routes, agressions, pillages, actes anti-français commis par des « supporters » algériens : ce qui se passe en France à l’occasion des matchs de l’Algérie est choquant et inquiétant. Il est temps de siffler la fin de la partie et de faire respecter la loi», a tweeté Marine Le Pen, qualifiant d’actes anti-français le fait pour les Algériens de brandir leur drapeau national sur des lieux publics.
Le Rassemblement national et sa présidente ne sont pas les seuls indignés, puisque des leaders d’autres partis ont également crié leur mécontentement de la manière dont la finale de la Can a été célébrée en France. Pour Nicolas Dupont-Aignan, il s’agit d’appeler la justice à condamner les responsables. «Pour « fêter » le résultat de la finale Can 2019, certains supporters ont dessoudé la statue du Général de Gaulle à Évreux ! A travers cet acte odieux, c’est le symbole même de notre Nation libre qui est visé. Que les coupables soient retrouvés et condamnés par la Justice», exige le député de l’Essonne et président de Debout la France.
L’acte que dénonce l’ancien candidat aux élections présidentielles de 2012 et de 2017 s’est passé dans la ville d’Évreux, qui a d’ailleurs déposé une plainte et demande au procureur de la République de poursuivre les personnes qui ont dégradé le bien public.
«Les caméras de vidéo-protection de la ville seront utiles pour identifier les auteurs de ces faits. Dans la nuit de vendredi à samedi, des incivilités et de graves dégradations ont eu lieu place du Général de Gaulle. Il n’est pas acceptable que de tels faits aient lieu. Il est inacceptable de s’attaquer à la statue du Général de Gaulle, car elle représente l’Homme du 18 juin et les valeurs de la France Libre», a posté le maire (LR) d’Évreux, Guy Lefrand sur sa page Facebook.
Pour le député dans la cinquième circonscription du Vaucluse, Julien Aubert, il est temps pour la République de se réveiller. «Triste symbole que ce déboulonnage du Général de Gaulle à Évreux lors de la soirée de victoire de l’équipe d’Algérie. Faudra-t-il qu’on déboulonne Marianne pour que la République se réveille ?», a-t-il tweeté.
Sur le continent aussi on s’indigne
Les indignations ne se sont pas limitées en France. Sur le continent africain également, des autorités ont tenu à dire leur courroux vis-à-vis des comportements des supporters algériens. Mais si les autorités françaises sont mécontentes des actes de vandalisme posés par les supporters des Fennecs, sur le continent africain, c’est l’assassinat du Dr Mamoudou Barry qui a mécontenté les dirigeants africains, notamment les Président guinéen et sénégalais.
«Très touché par le meurtre du docteur Mamoudou Barry, je présente mes condoléances les plus attristées à la famille Barry et au peuple de Guinée. Le gouvernement suit de très près l’évolution des enquêtes diligentées par les autorités françaises», a écrit le président de la République de Guinée Alpha Condé.
Même son de cloche chez son homologue sénégalais, Macky Sall. «Je condamne le crime odieux perpétré contre Mamadou Barry, un citoyen guinéen en France, suite au match Sénégal-Algérie. Je présente mes sincères condoléances à sa famille éplorée, au peuple frère de Guinée et au Président Alpha Condé», a marqué le Président sénégalais.
Sidy Djimby NDAO