Interview

Affaire Bébé Mohamed : les glaçantes révélations de la mère de Coumba Diallo sur l’histoire de son fils

Bébé Mohamed
Bébé Mohamed

L’histoire de bébé Mohamed a touché les Sénégalais qui n’ont pas manqué de réagir sur les réseaux sociaux. Parti en vacances chez son père, Mouhamed, âgé juste de cinq ans, a été battu et brûlé. Des images de lui montrent un enfant affaibli, torturé, avec un regard triste. Sa mère, muette depuis le début l’histoire, s’est confiée à «Les Échos». Ce qu’elle demande aujourd’hui, c’est que justice soit faite.

Les Échos : Comment avez-vous ce qui est arrivé à votre fils de 5 ans ?

Coumba Gagnesiry Diallo : C’était un samedi. J’ai appelé mon ex-mari, c’était pour parler à Mohamed. Il m’a fait savoir que Mohamed dormait et qu’à son réveil, il allait me rappeler. Ce qu’il n’a pas fait. Le lendemain aussi, dimanche, je n’ai pas eu de ses nouvelles. C’est seulement le lundi, très tôt, qu’il m’a appelé. Il m’a fait savoir que Mohamed était tombé dans les toilettes et qu’il l’a conduit dans un hôpital à Dakar. Je n’ai même pas eu le temps de lui demander dans quel hôpital ils étaient. J’étais perturbée. Après avoir fait le tour de quelques hôpitaux, je l’ai appelé et il m’a dit qu’ils étaient à Albert Royer. Quand je suis entrée dans la salle et que j’ai vu Mohamed, j’ai crié. Je lui ai dit que ce n’était pas mon fils. C’était impossible que ce soit lui. Et c’est là que Mohamed s’est un peu relevé pour me dire : «yaay mann la, mann la Mohamed» (c’est moi Maman, c’est moi Mohamed). J’ai craqué. En guise d’explication, son père qui est mon ex-mari, m’a dit qu’il est tombé en jouant au foot et il s’est blessé au bras dans les toilettes. Quand je lui ai posé la question de savoir où il était pendant tout ce temps, il m’a dit qu’il était au boulot. Et quand je lui ai demandé où était sa femme dans tout ça, il m’a répondu qu’elle dormait.

A quel moment, avez-vous su qu’il a été victime de maltraitance?

Ce jour-là, Dieu sait qu’en aucun moment, je n’ai pensé qu’il a été battu. Dieu le sait. Je me préoccupais plus de sa santé, parce qu’il fallait faire des analyses et radios et c’était compliqué. En effet, ce jour-là, on ne pouvait pas le garder à l’hôpital. Mon mari m’a dit qu’il allait rentrer et qu’il fallait l’appeler au cas où on aurait besoin de lui. Et moi, je suis rentrée avec mon fils. Il n’allait pas du tout bien. Une fois à la maison, j’ai fait appel à un voisin médecin, qui m’a dit que Mohamed ne pouvait pas rester à la maison et qu’il fallait l’emmener dans une structure hospitalière. Nous sommes allés, avec lui, dans une clinique qui a exigé de voir ses papiers avant de le toucher.

A l’hôpital de Thiaroye, on nous a dit pareil. Nous avons décidé d’aller à Diamniadio. En cours de route, on a rappelé le papa, pendant plusieurs minutes, avant qu’il ne décroche. Mon voisin lui a demandé de prendre ses responsabilités et, en attendant, qu’il nous envoie les papiers de l’enfant. Il a dit que c’est parce qu’il était fatigué qu’il avait éteint son portable et qu’en ce moment, il était rentré à Mbour et qu’il ne pouvait plus revenir. C’est quand on a insisté en lui disant que c’était urgent qu’il nous a dit qu’il le ferait parvenir via les transports en commun. A Diamniadio, le médecin nous a clairement fait savoir qu’il a été étranglé. Il a prescrit des antibiotiques à Mohamed. Quand on a reçu les papiers de mon fils, on est retourné à Fann. Là-bas aussi, le médecin m’a dit qu’il a été maltraité et que je devrais chercher à en savoir plus. Il a insisté auprès du père pour qu’il vienne à Dakar, mais ce dernier n’a rien trouvé de mieux que de se disputer avec eux. On est resté quelques jours à l’hôpital, avant de sortir. C’est après que Mohamed m’a tout raconté.

Qu’a-t-il dit exactement ?

Il m’a expliqué en fait qu’à chaque fois qu’elle lui faisait prendre son bain, elle lui cognait la tête au mur. Et que ce jour-là, elle lui avait tordu le bras jusqu’à ce qu’il se casse, avant de le frapper avec un bâton. C’est ce qui explique les quatre fractures. Elle ne s’est pas arrêtée à ça. Elle a pris une cuillère qu’elle chauffait avant de la mettre sur son dos. Ce qui lui a occasionné des brûlures. Il était aussi étranglé par sa belle-mère.

Quelles sont vos relations avec cette femme ?

Je ne la connais pas. C’est au commissariat que je l’ai vue pour la première fois. On ne s’était jamais rencontré auparavant. Je ne suis pas sa coépouse. J’ai divorcé avec le père de Mohamed depuis que ce dernier a 9 mois. Et depuis lors, je m’occupe totalement de Mohamed. La preuve, il ne connaissait même pas son père.

Donc pourquoi l’envoyer chez lui, surtout à cet âge ?

Je ne voulais juste pas qu’on dise que c’est sa mère qui l’empêche de le voir. «Dama doon rafetal». Quand il m’a dit qu’il voulait que Mohamed vienne chez lui pour un mois, je ne pouvais pas refuser. Et pourtant, quand il est venu le prendre, je lui ai bien dit que Mohamed est bien portant et je ne demande qu’une chose, qu’il me le rende sain et sauf.

Est-ce à dire donc que vous aviez pressenti quelque chose ?

Dieu sait que je n’ai jamais pensé à ça. Je parlais plutôt de son hygiène, son alimentation…Si j’avais soupçonné quoi que ce soit, jamais il ne serait allé à Mbour.

Vous avez eu une confrontation avec la femme de votre ex-mari. Pouvez-vous revenir sur ce qui s’est passé au commissariat ?
Quand nous sommes arrivés, Mohamed a été entendu. Et là, il a réexpliqué tout ce qu’il m’avait dit à la maison. Il a tout dit en détails. L’après-midi, mon ex-mari est venu, accompagné de sa femme. Dès que Mohamed l’a vu, il a commencé à crier, à pleurer. Il ne pouvait plus rester sur place. Quand on nous a demandé d’entrer dans la salle, il a catégoriquement refusé. Il criait partout «daff may rey, daff may rey» (elle va me tuer, elle va me tuer). Quand on est arrivé à le calmer et à le faire entrer, il n’a pas pu répéter ce qu’il avait dit le matin. Il répétait tout le temps : «elle va me tuer, elle va me tuer». Je lui demandais de ne pas regarder dans sa direction, mais il était toujours en état de choc.

Quelle a été la réaction de la femme de votre ex-mari, quand elle vous a vue ?

Elle souriait. Elle avait l’air joyeux et nous lançait un regard triomphal. Je n’ai pu m’empêcher de dire : «ki moy d…» (une insulte qu’on ne peut pas reproduire). Elle n’a pas répondu, mais c’est le père de Mohamed qui me menaçait en disant qu’il allait me faire emprisonner.

Votre ex-mari a fait plusieurs sorties sur les réseaux sociaux, qu’est-ce que ça vous a fait de le voir défendre bec et ongles son épouse ?

Je suis juste déçue. Je ne peux pas comprendre sa réaction. Et pourtant, quand on lui a dit que Mohamed a été maltraité, alors qu’il était à Mbour, il a dit à mon père qu’il allait répudier sa femme et qu’il allait même porter plainte. Mais, j’ai été choquée de le voir faire des sorties pour défendre sa femme. Il est même venu me voir pour me demander de retirer ma plainte.

Et qu’est-ce que vous lui avez dit ?

Que c’était chose impossible. Et que pour rien au monde, je ne le ferai. Quand il est arrivé, il a commencé à discuter avec moi, il m’a remis 5000 F et après, il m’a demandé si je pouvais retirer la plainte, vu que les choses s’étaient un peu calmées. J’ai dit niet. On s’est disputé, il m’a accusée de vouloir briser sa famille.

La femme de votre ex-mari a été placée sous mandat de dépôt, comment avez-vous accueilli la nouvelle ?

Un brin d’espoir que justice sera faite. C’est tout ce que je demande d’ailleurs. Mohamed est mon seul fils. Depuis mon divorce, je ne songe même plus au mariage. Je me concentre sur mon travail et mon fils. Il est tout pour moi. Mohamed est un enfant très attachant et calme. Tout le monde dans le quartier peut en témoigner. Il est tout pour moi. C’est pourquoi quand je l’ai vu dans cet état, j’ai été bouleversée.

Quel est l’état actuel de bébé Mohamed

Il va beaucoup mieux. Il suit ses rendez-vous et récupère. Même s’il est encore traumatisé. Depuis qu’il a revu sa belle-mère, il ne cesse de crier la nuit. Il pense que cette femme va le tuer à tout moment. Il ira même voir dans les jours qui suivent un psychologue pour l’aider, parce qu’il est réellement traumatisé.

Propos recueillis par Khadidjatou DIAKHATE Pour Les Échos

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