Égypte: Hosni Moubarak, qui a régné en maître sur le pays pendant 30 ans, est mort
L’ancien président égyptien Hosni Moubarak est mort mardi, à l’âge de 91 ans, à l’hôpital militaire du Caire, ont annoncé sa famille et la télévision d’État égyptienne. Retour sur l’ascension, le règne et la chute de celui qui fut, 30 ans années durant, le visage du pouvoir en Égypte.
L’ancien homme fort d’Égypte, Hosni Moubarak, âgé de 91 ans, s’est éteint, mardi 25 février, à l’hôpital militaire Galaa, au Caire. L’ancien raïs a régné en maître sur l’Égypte pendant trois décennies avant d’être renversé à la faveur de la « révolution du Nil », le soulèvement populaire de 2011 réprimé dans le sang. Il a ensuite été emprisonné durant six ans, condamné à la perpétuité pour complicité et conspiration en vue de tuer des manifestants.
Après le retour au pouvoir de l’armée dirigée par l’actuel président, Abdel Fattah al-Sissi, Hosni Moubarak avait été remis en liberté lorsque les dernières charges ont été abandonnées contre lui en mars 2017. Une libération qui a mis un point final aux poursuites contre lui et au long feuilleton judiciaire qui l’avait contraint à passer l’essentiel de ses six années de détention dans l’hôpital militaire du Caire.
Jusqu’à sa chute en 2011, deux tiers des Égyptiens n’avaient alors connu que lui à la tête du pays.
Ascension fulgurante
Hosni Moubarak ne se destinait pourtant pas à une telle carrière. Avant d’accéder à la plus haute fonction de l’État égyptien, en 1981, il envisageait plutôt de consacrer sa vie à l’armée.
Brillamment diplômé de l’Académie de l’armée de l’air en 1950, le jeune Hosni gravit les échelons militaires jusqu’à être nommé commandant des Forces aériennes égyptiennes, en 1972. Sous ses ordres, les pilotes égyptiens infligent de lourdes pertes à Israël lors de la guerre du Kippour, en 1973. Considéré comme un héros de guerre, Hosni Moubarak est promu général.
Deux ans plus tard, Anouar al-Sadate, alors chef de l’État, en fait son vice-président. « Moubarak était le second idéal : un homme discipliné, travailleur, loyal, sans ambition ni charisme, rapporte en 2005 le politologue Hicham Kassem au quotidien Le Monde. Le secrétaire d’État américain Henry Kissinger, qui le rencontra à cette époque, crut qu’il appartenait au ‘petit personnel’ tant il était effacé. »
En six ans, l’homme « effacé » écoute, regarde, apprend. Le président Sadate le mandate régulièrement auprès des chefs d’État étrangers, arabes et occidentaux. En l’absence du président, il est par ailleurs souvent chargé de diriger le conseil des ministres. Quand Sadate est assassiné en 1981, Hosni Moubarak est donc rompu aux pratiques du pouvoir… Une semaine plus tard, il est élu à la présidence. Il a alors 53 ans.
Moubarak redonne une voix diplomatique à l’Égypte
Dès son entrée en fonction, le nouveau président s’attache à redonner à son pays un rôle clé sur la scène internationale. « L’un des succès fondamentaux d’Hosni Moubarak a été de rallier les pays arabes aux Américains en 1990, lors de la première guerre du Golfe. Un coup de maître », selon Jean-Noël Ferrié, politologue, auteur de « L’Égypte entre démocratie et islamisme : le système Moubarak à l’heure de la succession ».
Sans pour autant retrouver le leadership dont elle jouissait sous Nasser, président entre 1952 et 1970, l’Égypte d’Hosni Moubarak se replace au cœur des enjeux stratégiques du Proche-Orient. Le pays devient, en particulier, un médiateur incontournable du conflit israélo-palestinien.
Mais la confiance que lui accordent les pays arabes finit par s’étioler, notamment après l’opération militaire israélienne contre la bande de Gaza, entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009. Pendant les raids, l’Égypte refuse d’ouvrir entièrement sa frontière avec l’enclave palestinienne bombardée. « Hosni Moubarak a poursuivi la politique de Sadate : celle de se tourner vers les États-Unis et Israël », analyse Jean-Noël Ferrié.
Dérives autoritaires en interne
Sur le plan interne, au début de son mandat, Hosni Moubarak semble vouloir assouplir la politique de son prédécesseur. Il fait par exemple libérer 1 500 membres de la confrérie islamiste des Frères musulmans. Mais cette tolérance relative fait long feu. Dès 1984, l’organisation, tolérée mais non reconnue, acquiert une assise politique en s’alliant avec le parti Wafd et remporte quatre sièges au Parlement. Hosni Moubarak resserre la vis. Entre 1990 et 1997, la répression contre les Frères musulmans atteint son paroxysme : 68 islamistes sont exécutés et 15 000 sont enfermés dans les geôles égyptiennes.
Pour faire taire les voix dissonantes, le raïs s’appuie sur un redoutable appareil policier et sur un système politique dominé par sa formation, le Parti national démocratique (PND). Seul et unique candidat aux élections présidentielles de 1987, 1993 et 1999, il les remporte, chaque fois, avec plus de 95 % des voix. En 2005 cependant, face au mécontentement grandissant de la population, il fait modifier la Constitution pour permettre la tenue d’élections multipartites. Un pluralisme de façade : au cours de la consultation organisée cette année-là, le pouvoir a minutieusement sélectionné les candidats. Et, sans surprise, Hosni Moubarak est réélu avec plus 88 % des voix.
« La révolution du Nil »
Les dernières années de règne du président égyptien ont été marquées par une contestation croissante au sein de la population, qui a débouché sur le mouvement de protestation ayant conduit à sa chute, le 11 février 2011. Déclenchée 18 jours plus tôt, la révolte a vu des centaines de milliers de personnes descendre dans les rues du Caire pour protester contre leurs conditions de vie et réclamer le départ du vieux raïs. Lâché tour à tour par l’allié américain, puis par l’armée égyptienne, Hosni Moubarak jette l’éponge.
Aussi rapide que spontanée, la révolution s’est nourrie des difficultés économiques et sociales endurées par les Égyptiens. En 2010 en effet, 44 % de la population du pays vivait encore avec moins de 2 euros par jour. Après avoir réduit l’opposition au silence, Hosni Moubarak s’était arrangé pour être reconduit dans ses fonctions haut la main avant d’être soupçonné de vouloir transmettre le pouvoir à son fils Gamal. En vain.
Depuis sa destitution, la santé fragile d’Hosni Moubarak a été l’objet d’incessantes spéculations et d’informations contradictoires faisant état tour à tour de dépression aiguë, d’un cancer, d’accidents cardiaques ou de problèmes respiratoires. Il avait régulièrement été hospitalisé et admis en soins intensifs depuis son départ du pouvoir.