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G5 Sahel: pourquoi les millions de dollars promis par l’Arabie saoudite sont-ils retenus?

Emmanuel Macron fait un geste à côté du président nigérien Mahamadou Issoufou et du président tchadien Idriss Deby
Emmanuel Macron fait un geste à côté du président nigérien Mahamadou Issoufou et du président tchadien Idriss Deby

La somme de 100 millions de dollars promise par l’Arabie saoudite en décembre 2018, destinée à financer les opérations militaires du G5 Sahel, n’a pas encore été débloquée en raison d’un différend avec la France.

Le 5 décembre 2018, dans un salon de l’hôtel Méridien Étoile dans le 17e arrondissement de Paris, un conseiller du ministre d’État saoudien aux Affaires africaines Ahmed bin Abdulaziz Al-Qattan a confirmé à l’amiral Édouard Guillaud, qui à l’époque était le chef de la société française d’exportation militaire Office Français d’Exportation d’Armement (ODAS), que son pays s’engagerait à investir 100 millions de dollars pour aider à armer les forces du G5 Sahel.

Cette somme était destinée, à la suite d’un accord entre la France et l’Arabie saoudite, à l’achat d’équipements militaires français, tels que des véhicules blindés de marque Arquus (utilisés au Tchad depuis plusieurs années), qui seraient livrés aux forces du G5 Sahel. Cependant, un an et demi plus tard, les fonds sont toujours dans les coffres de Riyad.

Une querelle militaire et diplomatique

Selon nos informations, la raison de la retenue de fonds remonte à une querelle militaire et diplomatique entre la France et l’Arabie saoudite au Liban. En effet, en 2016, un contrat de 3 milliards de dollars signé par Paris et Riyad en 2014 – dit Donas – a été abandonné.

Les Saoudiens s’étaient engagés à dépenser ce montant en fournitures militaires françaises pour l’armée libanaise. Cependant, après avoir développé des liens plus étroits avec Israël, les Saoudiens ont commencé à craindre que les armes ne finissent entre les mains du Hezbollah. Ils ont ensuite mis fin à l’accord.

Ils se méfiaient également de certains intermédiaires français travaillant avec Édouard Guillaud – l’ancien chef d’état-major personnel du président Jacques Chirac puis le président Nicolas Sarkozy, ainsi que l’ancien chef d’état-major de la défense de Sarkozy et du président François Hollande – qui avaient des liens avec des officiers libanais eux-mêmes proches du mouvement chiite Amal et du Hezbollah.

Depuis lors, les Saoudiens ont soumis plusieurs ordres aux Français pour équiper leur propre armée, annulant ainsi une partie de l’accord avec le Liban – environ les deux tiers de ce qui avait été convenu dans le cadre du contrat militaire franco-saoudien.

La montée en puissance de MbS a changé la donne

Néanmoins, le gouvernement français et le réseau ODAS (qui comprend des actionnaires tels qu’Airbus, Thales et Arquus) espèrent encourager les Saoudiens à poursuivre leur engagement et à proposer un nouvel ensemble d’aides pour les opérations du G5 Sahel.

Le problème est que lorsque le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman (MbS) est arrivé au pouvoir fin juin 2017, les termes et conditions applicables aux accords sur les armes ont changé. Désormais, chaque accord doit être négocié avec Saudi Arabia Military Industries (SAMI), une entreprise présidée par Ahmed Al-Khateeb et Mohammad bin Abdullah Al-Ayesh, ministre adjoint de la Défense et proche allié de MbS.

Selon nos sources, cela fait partie de la stratégie d’Al-Ayesh pour réduire certains programmes saoudiens sur lesquels il n’avait aucun contrôle. Et dans le cas des accords français, il a cherché à s’affranchir du réseau ODAS, qui est en cours de liquidation (qui devrait prendre fin en 2022) et dirigé par le lieutenant-général Daniel Argenson.

La France travaille activement à la mise en place d’une organisation capable de collaborer avec SAMI, et le ministère français des Forces armées, dirigé par Florence Parly, a rédigé plusieurs notes sur le sujet.

Riyad, d’autre part, cherche à imposer ses propres termes et conditions. Les Saoudiens demandent à la France de lui présenter trois propositions distinctes concernant l’utilisation des 100 millions de dollars pour le G5 Sahel.

Cependant, selon nos sources, les Français ne répondaient pas à cette exigence. Plusieurs propositions ont été communiquées, mais elles ne concerneraient qu’un peu plus de la moitié du volume des commandes. Le reste, qui doit refléter l’achat de véhicules Arquus, est problématique car l’Arabie saoudite n’a pas reçu d’offre concurrente. La totalité des 100 millions de dollars est donc retenue.

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