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[Tribune] Coronavirus : la région de Sédhiou entre panique et déception – Par El Hadji Omar Massaly

Une rue à Sédhiou
Une rue à Sédhiou

La covid-19 a envoyé, depuis le 5 avril 2020, ces métastases dans la région de Sédhiou, plongeant ainsi les citoyens dans une peur noire. Le citoyen déclaré positif dans cette belle région de Casamance aurait quitté le nord le 5 avril pour rentrer chez lui à Manconomba, un village dans la commune de Oudoucar.

Avec une population estimée à 10.224 habitants, la commune de Oudoucar est située dans l’arrondissement de Diendé, département et région de Sédhiou. Elle est frontalière aux Communes de Diaroumé au nord, de Sakar à l’ouest, de Diannah Ba et de Samé Kant à l’Est, de Kolibantang et de Karantaba au Sud. La commune s’étend sur une superficie de 211 km2.

À ce jour, 84 personnes sont déclarées positives dans la commune de Oudoucar. Une situation exceptionnelle dont la teneur a fini par nous mettre dans une angoisse existentielle. Car, il faut le dire, toutes les communes et tous les arrondissements qui bordent Oudoucar sont sous la menace de la pandémie de la covid-19. Une cartographie qui doit attirer l’attention des autorités politiques et administratives. Pour ne pas être débordé par la montée en puissance de la pandémie, il est nécessaire de penser à une approche globale et une méthode stratégique afin de contrecarrer le virus.

Face à ce fait, les leaders politiques de la région, comme souvent, ont séduit Sédhiou des réseaux en publiant des photos de dons de masques, de gels antiseptiques, de produits détergents… Au menu des dons, nous avons noté ceux du ministre Abdoulaye Diop (maire de la commune de Sédhiou), de Boubacar Biaye (Député et Président du Conseil Départemental de Sédhiou), de Ibrahima Moulaye Touré (Inspecteur principal du trésor), de Jean Pierre Senghor (Secrétaire exécutif du Conseil national de la Sécurité alimentaire) et autres volontaires. À cela s’ajoutent l’appui de l’État au comité départemental de lutte contre la covid-19 qui s’élèverait à un montant de 8 millions, celui du Conseil départemental de Sédhiou qui s’élèverait à 1 million (+3 millions qui seraient donnés en appui pour la sensibilisation) et celui du maire Abdoulaye Diop tablé à 5 millions entre autres….

Manconomba, entre stigmatisation et attente

Les populations de Manconomba, victimes d’une stigmatisation, n’ont pas encore bénéficié d’un apport conséquent en denrées alimentaires. Car, les denrées envoyées par l’État du Sénégal dans la région, sont toujours stockées dans la commune de Sédhiou. Pourquoi jusqu’à présent les autorités administratives n’ont-elles pas distribué les vivres ? À l’en croire, le gouverneur de la région avait émis l’idée de confiner Manconomba. Une idée qui a très vite été balayée d’un revers de main par les autorités politiques de Oudoucar, arguant que pour confiner les populations il faut assurer leurs nourritures. Ils ont eu raison de récuser toute idée de confinement, car les gouvernants doivent, en amont, distribuer des vivres pour gérer la pitance de ces populations dont la plupart vivent dans la pauvreté.

Les 7 collectivités locales de cette contrée de la région de Sédhiou ont déboursé chacune 100.000 FCFA pour appuyer les populations. Un fond qui ne peut pas résoudre le problème. En deux semaines, la pandémie s’est bien incrustée dans la commune de Oudoucar. La phase ascendante est atteinte et jusque-là aucun acte concret qui soit à la hauteur des défis n’a été posé. Les dons de masques et de détergents prolifèrent et inondent les réseaux sociaux, mais aucun fond digne de ripostes n’a été dégagé. Or, le temps presse et le virus se propage, mettant en danger toute la région de Sédhiou.

Où sont nos députés ?

J’ai été informé que jusqu’à l’heure où j’écris ces lignes, nos députés n’ont ni appelé le maire de Oudoucar – Sankoung Sagna – ni mis les pieds à Manconomba pour s’enquérir de la situation sur le terrain. Ils ont fait des dons certes, mais ce que les populations attendent de leurs représentants à l’Assemblée c’est de se rendre sur le terrain pour les soutenir moralement et pour porter, au niveau national, les vrais besoins de leur région en cette période de crise sanitaire. Ont-ils peur de choper le virus ? Je crois que le rôle fondamental d’un député, ce pour quoi il élut, est de connaitre les véritables problèmes de sa contrée, de constituer de relais afin de porter les vrais combats au niveau national. Mais, malheureusement, ils ont déserté le terrain.

La députée Na Diakhanco Sané, tout comme Boubacar Biaye, doivent se rendre dans les lieux pour sensibiliser les populations dont certains semblent être dans la dénégation Même les appels téléphoniques seront insuffisants. Il faut y aller. C’est l’appel d’un citoyen de Sédhiou qui doit être entendu et appliquer à la lettre. Députés, vous avez l’obligation, en ce moment sombre que traverse notre région, d’être aux côtés des populations comme vous le faites en période de campagne.

Au passage, il y a lieu de féliciter le ministre Abdoulaye Diop, maire de la commune Sédhiou, qui, selon mes sources, se déplace souvent avec sa voiture pour apporter des glaces aux populations de Oudoucar. Des glaces oui, ce n’est pas grand-chose ! Mais le plus important c’est bien l’acte de se déplacer, en ayant conscience de la gravité de la situation sur le terrain, pour apporter son soutien moral au maire de Oudoucar et à toutes les populations. Même s’il faut dire qu’il peut faire mieux. En tant que ministre de la région, il peut donner à la commune de Oudoucar, a minima, 20 tonnes de riz. C’est un geste qui peut beaucoup apporter. En tout état de cause, j’apprécie ses déplacements dans les lieux.

Ce que le conseil départemental de Sédhiou doit faire

Boubacar Biaye, président du conseil départemental et député de la région de Sédhiou, doit, c’est son devoir, hic et nunc se rendre dans les lieux pour constater les faits et rassurer les populations. Si les populations de Manconomba clament de vive voix qu’ils sont victimes de stigmatisation, c’est parce que quelque part les autorités politiques qui devraient s’y rendre – pour non seulement faire une sensibilisation sur la véracité de la pandémie de la covid-19 et les soutenir moralement – sont dans une réserve et un silence dont ils sont les seuls à détenir le secret.

Le président du conseil départemental est parmi les généraux qui sont censés prendre les devants. Car, il a une double casquette politique qui l’oblige à être en avant post du combat. Donc, il est appelé au front pour faire face à cette pandémie dont le taux de contamination monte crescendo. Il est opportun, de son côté, d’élaborer une stratégie inclusive de lutte contre la covid-19. Le département est secoué par la pandémie et son rôle doit être plus que de faire des dons.

Aussi, le président du conseil départemental de Sédhiou doit, en plus du soutien financier et des produits détergents, octroyer 20 tonnes de riz.

Certes, les conseils départementaux dépensent plus qu’ils ne reçoivent et leur budget couvre difficilement leurs masses salariales, mais il est nécessaire de faire des dons importants en denrées alimentaires pour aider les populations de Manconomba qui miaulent leur détresse.

De la nécessité de partager les vivres

C’est étrange de constater que des tonnes de riz soient stockées à Sédhiou pendant que les populations de Manconomba crèvent la dalle. Les activités sont freinées dans cette commune, la panique s’est installée, les populations peinent a bougé de village en village pour acheter des poissons et autres nourritures. Entre obligation de respecter les normes édictées par le gouvernement et stigmatisation, ils survivent. Je crois qu’une des meilleures façons de leur venir en aide est de distribuer des vivres à chaque famille pour les amener à réduire les déplacements.

Les populations de Manconomba et autres villages environnants sont tenaillés par un besoin pressant de nourriture puisque leurs activités quotidiennes sont limitées. En réponse à ces préoccupations majeures, marquées par un contexte économique aride, les autorités administratives et politiques doivent alléger cette souffrance en leur octroyant les denrées alimentaires qui vont bientôt s’abîmer dans les camions où elles sont stockées. C’est dommage de voir le conseil départemental de lutte contre la covid-19 recevoir des dons qu’il distribue peu ou pas. Pour aider les populations de Oudoucar, qui doivent être prioritaires dans le partage des denrées alimentaires, il faut livrer les vivres. C’est la meilleure façon pour les obliger de rester chez eux.

El hadji Omar Massaly
Écrivain / chroniqueur

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