Magistrature sénégalaise : le Premier président de la Cour Suprême sonne la fin des polémiques
Le premier président de la Cour suprême est sorti de sa réserve pour siffler la fin de la récréation. Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly regrette et dénonce les attaques qui, selon lui, sont dirigées contre la justice. Et ce qui le dérange le plus, ce sont les attaques provenant des acteurs de la justice.
Pour protester contre la procédure enclenchée contre le président de l’Union des Magistrats du Sénégal (UMS), Souleymane Teliko, les comités de ressort des juridictions ont fait des communiqué pour apporter leur soutien à Teliko qui doit comparaitre devant le Conseil de discipline de la haute juridiction.
À son avis, cela reflète un sentiment inhabituel de malaise qui peut porter atteinte au crédit de la justice, à son indépendance et à remettre en cause le principe de la séparation des pouvoirs. Ainsi, il en appelle à la responsabilité de tous les acteurs du système judiciaire et en particulier, à celle de tous les magistrats du siège et du parquet. « Les magistrats, comme le disait Montesquieu, incarnent la « puissance de juger » et c’est pour cela, quel que soit leur rang ou grade, leur position ou privilège, ils sont soumis à une discipline et doivent avoir en bandoulière leur serment, et être astreints à la réserve qu’exige la dignité de la fonction », dit-il dans un communiqué de presse.
Avant d’ajouter : « Il n’est pas tolérable, que par leurs comportements, les magistrats, eux-mêmes, contribuent à semer le doute sur la crédibilité de l’Institution judiciaire de nature à remettre en cause leur propre indépendance et celle de la justice ». D’après le Premier président de la Cour suprême, la Constitution de la République du Sénégal consacre le principe de la séparation des pouvoirs, par un système de collaboration des pouvoirs. Ce qui, à l’en croire, donne la possibilité à l’exécutif de prendre des mesures qui concernent le fonctionnement du pouvoir judiciaire.
Mais, relativise-t-il, cela ne doit pas être un moyen pour celui-ci de porter atteinte aux principes constitutionnels régissant l’organisation et le bon fonctionnement de la justice. « Seul le respect de ces principes, permet aux magistrats d’être les gardiens des droits et libertés définis par la Constitution et la loi. Il appartient, à l’autorité exécutive, garante du bon fonctionnement de toutes les Institutions, de les respecter et de les faire respecter, en tout temps et en tout lieu », dit-il.
« Le Ministre de la justice, ne dispose d’aucun pouvoir disciplinaire, même à l’égard des magistrats du parquet »
D’après lui, autant il s’emploierait à protéger le pouvoir judiciaire contre toute atteinte pouvant remettre en cause son indépendance et la dignité de ses membres, autant il ’exigerait de la part des magistrats un comportement exemplaire. De même a laissé entendre qu’il n’y a pas de mainmise de l’exécutif dans le judiciaire concernant la convocation du président de l’Union des magistrats du Sénégal devant le Conseil de discipline du Conseil supérieur de la magistrature. Il rappelle que le pouvoir du conseil de discipline qu’il préside est exercé exclusivement par le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), composée uniquement de ses pairs.
« Le Ministre de la justice, ne dispose d’aucun pouvoir disciplinaire, même à l’égard des magistrats du parquet et ne peut que dénoncer au CSM les faits motivant les poursuites disciplinaires Il ne dispose pas de pouvoir pour décider du sort d’un magistrat qui est traduit devant le tribunal de ses pairs. D’ailleurs par le passé, des collègues qui ont été traduits devant cette instance sur dénonciation du Garde des Sceaux, ont pu être relevés des poursuites. Il faut éviter de faire de la magistrature un enjeu politique », précise le Président Coulibaly. Pour lui, la figure du juge peut changer, comme la justice peut être marquée par des périodes d’incertitudes, mais, signale-t-il « aucun de nous n’a intérêt à fragiliser cette Institution, sans laquelle, aucune République n’a de Vertu et n’est viable ».