Démocratie

Nouvelle enquête : les Sénégalais foncièrement pour la limitation des mandats à deux et catégoriquement contre le régime militaire

des jeunes sénégalais manifestent après l'arrestation de l'opposant Ousmane Sonko en mars 2021
des jeunes sénégalais manifestent après l'arrestation du chef de l'opposition Ousmane Sonko en mars 2021

Le réseau panafricain et non partisan de recherche par sondage Afrobaromètre a publié une nouvelle enquête dénommée «les Africains désirent plus de démocratie, mais leurs dirigeants ne les écoutent toujours pas». Dans le document de 45 pages, l’organisme à but non lucratif relève qu’à travers l’Afrique, le soutien à la limitation des mandats présidentiels est élevé et ne cesse de grimper. Au Sénégal, l’enquête montre que 85% de nos compatriotes sont «D’accord» ou «Tout à fait d’accord» avec la limitation des mandats à deux, alors que la moyenne continentale des favorables à la limitation à deux des mandats culmine à 76%. Au niveau continental, l’enquête rapporte que l’Afrique a connu aussi bien des progrès démocratiques encourageants que des reculs antidémocratiques inquiétants. Sur ce point, le document note «les mesures restrictives croissantes imposées aux partis d’opposition… au Sénégal» et dans d’autres pays ainsi qu’une vague de coups d’État récents au Tchad, au Mali, au Soudan et en Guinée en 2021 et deux au Burkina Faso en 2022.

Dans sa nouvelle enquête dénommée «Les Africains désirent plus de démocratie, mais leurs dirigeants ne les écoutent toujours pas», Afrobaromètre établit «le test de la limitation des mandats». Dans le document, l’organisme à but non lucratif rappelle que de nombreux analystes qui se sont penchés sur les processus démocratiques considèrent la limitation des mandats présidentiels comme bien plus qu’une tradition sympathique. Ces analystes affirment que la limitation des mandats au sommet favorise la compétition et la participation politiques, démontre que l’alternance par la voie des urnes est possible et réduit le risque de culte de la personnalité, d’autoritarisme, de corruption et de coups d’État.

Les «cas» Museveni, Condé, Ouattara, Kagamé, Nguesso, Biya…

«À sa première investiture en 1986, le Président ougandais Yoweri Museveni a, à juste titre, imputé les problèmes de l’Afrique aux dirigeants qui restent trop longtemps au pouvoir. Mais 37 ans plus tard, Museveni entame son sixième mandat. Et il est seulement l’un des nombreux présidents africains qui ont maintenu leur emprise sur le pouvoir en contournant, modifiant ou éliminant les clauses constitutionnelles limitant à un maximum de deux les mandats présidentiels. Rien qu’en 2020, Alpha Condé de la Guinée et Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire ont suivi les traces de ZaaliAssoumani des Comores, Paul Kagame du Rwanda, Paul Biya du Cameroun, Denis SassouNguesso de la République du Congo et Ismail Guelleh de Djibouti, entre autres», cite le document en guise de d’exemple.

Poursuivant, le rapport ajoute que presqu’invariablement, ces dirigeants justifient leur prochaine candidature par le fait que le peuple souhaiterait qu’ils demeurent au pouvoir. Mais est-ce bien le cas ? Les Africains ordinaires n’ont guère besoin de se faire persuader qu’il est possible d’être au pouvoir trop longtemps : Le soutien à la limitation des mandats est massif et ne cesse de se consolider.

Selon l’enquête d’Afrobaromètre, à travers 34 pays, 76% de leurs populationssoutiennent «tout à fait» cette disposition. La limitation des mandats bénéficie d’un soutien majoritaire dans tous les pays sondés, et desmajorités sont «tout à fait» d’accord dans 21 des 34 pays. Le soutien est fort quel que soit l’âge, le niveau d’éducation et le statut économique. Même parmi ceux qui font confiance à leurs présidents et approuvent leurs performances au travail, 73% et 74%, respectivement, sont en faveur de la limitation à deux mandats.

«Cela inclut 77% des citoyens en Guinée et en Côte d’Ivoire, les derniers pays à avoir renoncé à ces contraintes. Cela inclut également 92% des citoyens au Gabon – où Omar Bongo Ondimba a gouverné pendant 41 ans avant que son fils ne soit élu après sa mort – et 87% au Togo, où Faure Gnassingbé est au pouvoir depuis 2005, après les 37 ans de règne de son père. Alors que dans les 19 pays où cette question a été posée depuis 2008, le soutien populaire à la limitation des mandats présidentiels est passé de 70% à 77%. La proportion des personnes qui sont «tout à fait» d’accord s’est accrue de 11 points, de 46% à 57%», rapporte encore l’enquête.

Le Sénégal, 2e pays le plus prompt à la limitation des mandats à deux

En ce qui le concerne, le Sénégal se positionne à la deuxième place des pays les plus prompts à la limitation des mandats à deux. Outre l’Ethiopie avec ses 90%, l’enquête révèle que 85% de nos compatriotes sont «D’accord» ou «Tout à fait d’accord» avec la limitation des mandats à deux. Ce chiffre chute à 76% en moyenne continentale. Aussi, l’enquête rapporte que même si l’Afrique a connu dans son ensemble des progrès démocratiques encourageants, certains pays dont le Sénégal sont la cause des reculs antidémocratiques inquiétants. En effet, le document note les mesures restrictives croissantes imposées aux partis d’opposition dans des pays dont le Sénégal ainsi qu’une vague de coups d’État récents au Tchad, au Mali, au Soudan et en Guinée en 2021 et deux au Burkina Faso en 2022.

«Les avancées sont toutefois tempérées par les revers subis ailleurs, notamment les mesures restrictives croissantes imposées aux partis d’opposition au Bénin, au Sénégal et en Tanzanie, le recours à la fraude électorale, à la violence et à l’intimidation lors des élections en Côte d’Ivoire et en Ouganda, ainsi qu’une vague de coups d’État récents au Tchad, au Mali, au Soudan et en Guinée en 2021 et deux au Burkina Faso en 2022», lit-on encore sur le rapport.

Rejet du régime militaire

Sur les régimes militaires, l’enquête révèle que les Africains sont en général contre la présence des militaires à la tête de l’Etat. Le régime militaire est rejeté par des majorités dans tous les pays à l’exception du Burkina Faso (44%). Au Sénégal, nos compatriotes sont contre l’idée de militaire chef d’Etat à 75%. Cependant, avec 90% ou plus, la Zambie, l’Eswatini, Maurice et surtout le Maroc sont les Africains les plus allergiques à l’idée de régime militaire.

D’ailleurs, quand on examine les tendances dans le temps, la plupart des indicateurs demeurent solides et assez stables. Dans les 30 pays régulièrement suivis depuis 2011, note le rapport, la proportion des citoyens qui affirment que « la démocratie est préférable à tout autre type de gouvernement » est légèrement en baisse, passant de 73% il y a 10 ans à 69%. Cependant, des majorités importantes et constantes rejettent systématiquement les trois alternatives autoritaires.

Niveau et satisfaction du fonctionnement de la démocratie

Mais qu’en est-il, du niveau et satisfaction du fonctionnement de la démocratie ? Si les Sénégalais et les autres Africains sont majoritairement pour un régime démocratique, comment jugent-il leurs démocraties ? En effet, aux questions «quel est le niveau de la démocratie dans votre pays aujourd’hui ?» et «dans l’ensemble, quel est votre degré de satisfaction de la manière dont la démocratie fonctionne dans votre pays ?», seuls 51% des Africains des pays concernés par l’enquête pensent que leur pays est une pleine démocratie ou une démocratie avec des problèmes mineurs.

Le Sénégal n’est pas loin de la moyenne continentale. Seuls 53% de nos compatriotes pensent que notre pays est une pleine démocratie ou une démocratie avec des problèmes mineurs. Ce chiffre baisse à 48% quand on demande aux Sénégalais s’ils sont satisfaits du fonctionnement de la démocratie. Pourtant malgré ces critiques faites à la démocratie, 38% des personnes interrogées n’ont pas voté aux dernières élections. Les jeunes étant le lot le plus important de ces compatriotes qui ont boycotté les urnes ou qui n’ont pas pu voter lors des dernières élections dans notre pays.

«Si l’Afrique du Sud, le Sénégal et Maurice sont des sociétés très différentes, elles ont en commun le fait que leurs citoyens sont de plus en plus mécontents du fonctionnement de leurs démocraties. Un autre point commun réside dans le fait que de grandes majorités de citoyens affirment que la corruption est en hausse dans leur pays. En moyenne, à travers 34 pays, près de six répondants sur 10 (58%) affirment que la corruption dans leur pays s’est «quelque peu» ou «beaucoup» accrue au cours de l’année écoulée, dont 72% des Sud- Africains, 75% des Sénégalais et 77% des Mauriciens. En outre, près de deux tiers (64%) affirment que leur gouvernement réussit « assez mal » ou «très mal» à contrôler la corruption», lit-on sur l’enquête.

Toujours dans son enquête, Afrobaromètre a fait une comparaison de l’évolution des indicateurs de démocratie dans les pays pré-Covid-19 et pendant-Covid-19. Sur ce sujet, Afrobaromètre signale que le Sénégal, le Niger et la Gambie sont constamment parmi les pays qui tolèrent le moins ces types de restrictions. À la question de savoir s’ils craignaient que les politiciens profitent de la pandémie pour accroitre leur pouvoir, six répondants sur 10 (60%), en moyenne, ont répondu qu’ils étaient «plutôt inquiets» ou «très inquiets». «Cette préoccupation était partagée par sept Sénégalais sur 10 soit un taux de 70%».

Sidy Djimby NDAO (Les Echos)

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