Diarry Sow parle : « cette disparition a été la meilleure décision que j’ai prise de toute ma vie »
Sa disparition soudaine en janvier, alors qu’elle était en prépa au lycée Louis-le-Grand à Paris, avait alarmé ses compatriotes et la diaspora sénégalaise. C’est que cette brillante étudiante est une fierté nationale. En guise d’explication, elle publie « Je pars », roman inspiré de son histoire. L’énigme s’habille en jeans-baskets. Et vous regarde dans les yeux sans jamais les baisser. Ce jour-là, la jeune femme et ses secrets sont pile à l’heure. A la seconde près. Les salutations d’usage à peine échangées, la voilà déjà en train de poser comme une pro devant l’argentique de la photographe, lui obéissant sans rechigner pendant plus d’une heure.
Moins d’un an après sa disparition, Diary Sow est de retour avec un deuxième livre intitulé «Je pars», qui sort aujourd’hui. Dans son roman, le personnage principal Coura décide de partir volontairement pour Amsterdam. Une histoire qui rappelle étrangement la disparition de l’étudiante en janvier dernier sans donner d’explications avant de réapparaître un mois plus tard. Une période «sombre» selon l’écrivaine qui raconte sur RTL «avoir hésité jusqu’au dernier moment avant de partir».
Mais malgré la pression, elle dit n’avoir pas regretté. Et d’ailleurs, assume-t-elle, c’est la meilleure décision qu’elle a eu à prendre de toute sa vie. «Coura ce n’est pas moi, j’ai essayé de créer un personnage fictif qui va avoir la même histoire que moi, mais je me suis aussi éloignée d’elle pour ne pas qu’on parle de moi, mais des disparitions en général», explique Diary Sow.
Des similitudes avec l’héroïnede son roman qui a aussi longuement hésité avant de partir. Mais les ressemblances ont une limite. «Non. Coura ce n’est pas moi. J’ai essayé de créer un personnage fictif qui va avoir à peu près la même histoire que moi, qui fera la même chose que moi, qui partira pour les mêmes raisons. Mais je me suis éloignée d’elle aussi pour protéger ma vie privée, parce que justement le sujet de ce roman, ce n’est pas parler de moi, mais des disparitions en général», déclare la romancière.
«Vouloir disparaître est un désir humain»
Ce n’est pas donc pas dans ce livre que les lecteurs trouveront les raisons du départ de Diary Sow, elle qui avait abandonné sa prépa Louis Le Grand à Paris. Un rêve, apparemment qu’elle a voulu réaliser. Car pour elle, les disparitions sont un souhait universel.«Fuir la pression, disparaître est un fantasme commun à tout le monde que de découvrir autre choisir, larguer les amarres. C’est un désir humain. Il faut vraiment que l’on enlève tout tabou autour de ce sujet. Et respecter ce désir», argue-t-elle.
Même si elle soutient n’avoir pas raconté textuellement son histoire, Diary Sow révèle qu’une bonne partie de sa vie y est racontée. Même si ce n’est pas un grand déballage. «Jusqu’au dernier moment, je ne savais pas que j’allais passer à l’acte.J’ai été dans une période assez sombre où…», confie la jeune fille.
«Raconter mes ressentis sans pour autant parler de moi. Je suis présente bien sûr dans le roman. Les écrivains donnent toujours un peu d’eux-mêmes dans ce qu’ils écrivent. Et consciemment ou inconsciemment, Coura m’a volé des fragments de ma vie», avoue-t-elle.
Les raisons de sa disparition restent un secret. Et d’ailleurs, Diary Sow ne s’en est ouverte à personne. «Ça m’appartient. C’est inscrit dans mon parcours personnel. Je ne vois pas pourquoi je devrai déballer les raisons pour lesquelles je suis partie. C’est suffisant déjà de parler du retour, de la réaction des gens, de parler de l’avant de mon parcours. Mais du fait et pourquoi je l’ai fait, ça m’appartient par contre», laisse-t-elle entendre.
Coura, l’héroïne a été hésitante jusqu’au dernier moment. Un sentiment que Diary Sow révèle avoir connu.
«Oui c’est vrai. Jusqu’au dernier moment, je ne savais pas que j’allais passer à l’acte. Moi aussi j’ai hésité. J’ai été dans une période assez sombre où je me posais beaucoup de questions par rapport à moi, où j’avais l’impression de m’être oubliée. Et c’est ce que je retranscris dans ce roman», informe-t-elle.
«C’est hyper difficile de trouver un équilibre entre les attentes de la société et ce qu’on veut pour nous-mêmes»
Coura craque sous la pression d’une famille qui veut lui imposer un destin: grandes écoles, grandes ambitions. A la question de savoir si cette pression, elle l’a connue, Diary répond par l’affirmative. «Effectivement, c’est hyper difficile de trouver un équilibre entre les attentes de la société et ce qu’on veut pour nous-mêmes. A un moment donné, j’ai dû avoir ce recul et surtout savoir m’écouter, savoir mettre sur la balance mes propres désirs», soutient-elle.
«Je sais qu’il suffit de peu qu’on vous descende du piédestal où on vous avait mis»
Avant de poursuivre : «j’ai essayé de m’inspirer de tout ce qu’on a dit sur moi, de tout ce qu’on a pu supposer, les spéculations par rapport à mon départ et c’est de là que m’est venue l’idée de le mettre sur mon roman».
Malgré son silence pendant et après sa disparition, Diary Sow suivait l’actualité. Pour elle, Les nombreuses critiques sont justes une incompréhension entre elle et la population sénégalaise. Ce qu’elle considère comme une belle épreuve qui lui a parmi d’être plus forte.
«C’était pas facile de vivre ça surtout que j’avais l’impression qu’on s’était accaparé de quelque chose qui m’appartenait. Mais je comprends très bien cette incompréhension. Il m’arrive même que je l’apprécie. Avoir été mise à l’épreuve est la meilleure chose qui me soit arrivée de toute ma vie. Ça m’a permis d’être plus forte. L’adulation de la société c’est autant le privilège qu’un fardeau. Ça peut être un piège, une prison qui se resserre sur nous. Je sais qu’il suffit de peu qu’on vous descende du piédestal où on vous avait mis», soutient-elle.
Dans son livre, Coura dit : «cela fait si longtemps que j’avance courbée sous les regards et les attentes que j’oublie de m’écouter».
Et à la question de savoir si cette disparition lui a apporté grand-chose, Diary Sow acquiesce et révèle que c’était une expérience enrichissante.«Forcément. Je suis partie pour trouver des réponses. J’en ai trouvé quelques-unes. D’autres m’échappent encore mais ça viendra. Je pense que c’est la meilleure décision que j’ai prise de toute ma vie», renseigne l’écrivaine.