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Lutte contre le Covid19 au Sénégal : le pass sanitaire, solution ultime ou utopie ?

Pass sanitaire
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Malgré un reflux de la maladie au Sénégal, les autorités ne veulent pas dormir sur leurs lauriers. Mieux, un nouveau pas est en train d’être posé dans la lutte contre le coronavirus. Lors de clôture du Sommet sur le Vih en Afrique de l’Ouest et du Centre, le président Macky Sall a donné le ton. Le chef de l’exécutif sénégalais n’exclut plus l’instauration d’un pass sanitaire pour pousser les sénégalais à se vacciner.

« Nous ne pouvons et nous ne devons pas laisser les vaccino-sceptiques mettre en péril les efforts considérables déployés par les pouvoirs publics, les acteurs de la société civile et surtout nos vaillants professionnels du secteur de la Santé, engagés depuis plus d’un an sur le front de la Covid-19, au péril de leur vie et de leur santé », s’est décidé le président Sall qui annonce la saisie du Comité national de gestion des épidémies pour voir dans quelle mesure instaurer un pass sanitaire pour l’accès aux lieux publics.

Cette déclaration du président de la République sonne comme une réponse au manque d’engouement des Sénégalais vis-à-vis de la vaccination. La preuve de cette absence d’adhésion à la campagne initiée depuis février dernier, entre le 2 septembre et le 3 novembre, 124 000 personnes ont reçu au moins une dose des vaccins disponibles sur le territoire sénégalais. Or, ils étaient au moins 673 269 entre le 23 juin et le 2 septembre à se faire administrer un des sérums utilisés par les services du ministère de la Santé contre la Covid-19.

La différence est de taille et s’explique par la baisse des contaminations depuis la date du 2 septembre à partir de laquelle le nombre de cas ne dépasse plus 100 par jour.

Des données du ministère de la Santé rassemblées par Dakaractu font état de la réception, à la date du 24 septembre de 2,2 millions de doses établies comme suit : 1,1 million de Sinopharm, plus de 948 960 Astrazeneca et 151 200 de Johnson and Johnson. Sur cette quantité, 20 000 ont été offerts à la Gambie et à la Guinée Bissau par solidarité.

Des vaccins périmés

« Aujourd’hui, nous sommes à un niveau plancher, ça veut dire que nous allons considérer que c’est fini. (Mais) ce n’est pas fini ! La pandémie est toujours là », prévient le 22 octobre dernier, le ministre de la Santé et de l’Action sociale. Abdoulaye Diouf exhorte les populations au respect des mesures barrières. Mais, il insiste surtout sur la vaccination. « Le message que je lance aux sénégalais, c’est qu’il faut aller se faire vacciner. On peut avoir l’impression que la maladie a reculé, ce qui peut expliquer le peu d’engouement pour la vaccination, mais c’est une erreur d’appréciation », prévient le ministre.

Un message qui n’a visiblement pas eu la réponse attendue. Conséquence, les vaccins sont en train d’être jetés à la poubelle pour cause de péremption. Cité par Walfadjri de ce mercredi 3 novembre, le Dr Ousseynou Badiane, coordinateur de la vaccination, révèle qu’au cours du mois de septembre 12.460 doses sont périmées. Ce mois-ci, les chiffres pourraient dépasser tout entendement.

Cela expliquerait la colère du président de la République qui, rappelons-le, avait déjà brandi la menace d’offrir les vaccins aux voisins du Sénégal si leurs premiers destinataires n’en voulaient plus. Ce qui est sûr, c’est que le chef de l’État est peiné. Macky Sall peut être aussi outré par la campagne de diabolisation des vaccins or, pour lui « la seule campagne qui vaille d’être menée, c’est celle de la vaccination » qu’il estime être une « urgence vitale ». Un avis que ne partage pas Djamil Bocandé.

Une efficacité « contestée »

Cet activiste qui ne cache pas son hostilité aux vaccins anti-covid croit savoir que le salut ne se trouve pas dans cette option. Pour étayer son propos, il convoque la baisse des cas en dépit du faible taux de vaccination qui serait de l’ordre de 10%. Dans le même ordre d’idées, il s’essaie dans une sorte de comparaison des taux de guérison entre des pays comme la France ou Israël avec un taux de couverture vaccinale élevée et le Sénégal ou la Côte d’Ivoire où les vaccinés restent très en deçà de l’objectif.

« Qu’en est-il du taux de guérison respectif de ces pays ? Pays avec un taux de vaccination élevé : France (98,3%) – Portugal (98,3%) – Israël (99,3%) – Royaume Uni (98,4%). Pays avec un taux de vaccination bas : Sénégal (97,4%) – Côte d’Ivoire (98,8%) – Algérie (97,1%) – Ghana (99%). Observez-vous une différence entre ces pays ? Moi non plus. Quand Macky Sall dit sous un ton autoritaire que la meilleure protection est la vaccination ou encore que celui qui ne se vaccine pas n’a aucune chance, c’est à mon avis totalement faux », conclut Djamil Bocandé. Et s’il avait tout faux dans son argumentaire ?

L’efficacité des vaccins selon le Professeur Moussa Seydi

Une étude rendue publique au mois de septembre par le Professeur Moussa Seydi prouve que les vaccins contre le Coronavirus sont efficaces. « Au niveau du service des maladies infectieuses de Fann, nous avons eu à admettre de mars à août 2021, 321 patients. Parmi ces 321, 299, soit 93% n’étaient pas vaccinés. Seuls 22, soit 7% étaient vaccinés. Nous avons noté trois cas sévères chez les patients vaccinés versus 89 cas chez les non vaccinés.

En dehors de l’hôpital Fann, au niveau de l’hôpital Principal de Dakar, sur 231 patients admis durant la même période, 230, soit 90% n’étaient pas vaccinés. Seuls 27 patients, soit 10%, étaient vaccinés. Au niveau de ce CTE, 3 cas graves ont été notés alors que 59 cas graves n’ont pas été vaccinés. Ces données sont importantes quand on considère que la couverture vaccinale au niveau de Dakar, est de 25%. Au niveau national, sur 1.231 cas sévères, le SAMU national a constaté que 1.215, c’est à dire 98,7% des patients n’étaient pas vaccinés. 1,3% des patients étaient vaccinés. Toujours selon les données du Samu national, aucun décès n’a été noté chez les patients vaccinés aussi bien à Touba qu’à Mbacké », démontre l’infectiologue.

Mais aussi solides que puissent être les conclusions de cette étude préliminaire, force est de constater que le coronavirus est en train de reprendre du poil de la bête dans des pays avec une couverture vaccinale très élevée. C’est le cas de Singapour. Quatrième État le plus vacciné du monde, il fait face à une remontée de cas depuis plusieurs semaines. Cependant, il convient de préciser que cette nouvelle flambée des contaminations est liée en partie à l’allégement en juin des mesures restrictives contre la Covid-19. Les autorités ont décrété la cohabitation avec le virus. Une stratégie qui visiblement n’a pas marché. Le variant Delta se serait révélé résistant contre la vaccination.

C’est d’ailleurs pour aller plus vite que ces mutations du virus que les scientifiques recommandent d’accélérer les campagnes de vaccination.

Cette caractéristique du SARS-COV-2 a connu son paroxysme avec l’arrivée du variant Delta dont la rapidité de la propagation s’explique par trois facteurs, la facilité d’atteindre les cellules, le temps d’incubation réduit à quatre jours alors qu’en temps normal il est de six et une charge virale estimée à 1602 fois plus que celle des autres variantes.

La peur d’une nouvelle vague de coronavirus

Pour information, ce variant a un sous-lignage appelé A.Y.4.2 et il constitue 6% des cas de Delta recensés ces derniers jours au Royaume Uni. Il est défini par une double mutation de la protéine Spike dont la spécificité est qu’elle permet au virus de percer les défenses immunitaires. Pour le moment, cette sous-ligne n’est pas encore repérée au Sénégal. Mais le virus a démontré en un temps record qu’il sait voyager plus que quiconque.

Apparu en décembre 2019 en Chine, il a fait le tour du monde en moins de trois mois. Détecté pour la première fois en Inde en octobre 2020, le variant Delta est arrivé au Sénégal en avril 2021 et a été à l’origine de la vague la plus virulente du coronavirus.

En décidant de passer à la vitesse supérieure avec la possible instauration d’un pass sanitaire, les autorités ne sont-elles pas en train de se prémunir contre un éventuel ravage que pourrait causer la descendance de Delta ? « Même si nous observons une tendance baissière de la maladie, il y a encore de nouvelles formes ailleurs, le virus voyage très vite parce qu’il emprunte des avions. Aucun pays n’est à l’abri, tant qu’il y a un Covid quelque part », a prévenu le président Macky Sall qui songe d’inaugurer l’ère du pass sanitaire dans les lieux publics.

Pour le Dr Abdoulaye Dia, spécialiste en épidémiologie, le pass sanitaire est une bonne idée pour pousser les adultes à se vacciner ». Par contre, çà l’est moins pour les enfants, précise-t-il. « Ils sont très jeunes pour faire partie d’une vaccination de masse alors qu’ils sont moins exposés et on n’a pas suffisamment de données sur l’innocuité de ces nouveaux vaccins sur cette tranche d’âge », avertit le Dr en Sciences de la Santé depuis les États-Unis.

Pour leur part, les antivaccins considèrent qu’en voulant rendre obligatoire la vaccination, les autorités sont en train de se soumettre à l’agenda « Bigpharma ».

Le Sénégal produira des vaccins en 2022

Le moins qu’on puisse dire, c’est que les vaccins rapportent gros à leurs développeurs. Pfizer prévoit d’écouler 36 milliards de dollars cette année contre 33,5 dans ses prévisions précédentes. L’entreprise qui préconise une troisième dose pour une immunité plus efficace table sur un chiffre d’affaires compris entre 78 milliards à 80 milliards en 2021, contre 70,5 milliards à 72,5 milliards de dollars en mai, rapporte latribune.fr.

La même boite prévoit de s’installer au Sénégal et au Rwanda à partir de la mi-2022 pour produire des vaccins à ARN Messager. Africanews précise que la société a déjà signé une lettre d’intention avec le gouvernement rwandais et l’Institut Pasteur de Dakar, confirmant un engagement pris fin août entre les parties prenantes à Berlin. Pour ce qui concerne le laboratoire en gestation à Dakar, il doit coûter 200 millions de dollars et sera financé par le gouvernement du Sénégal et des institutions européennes et américaines.

Les prévisions de production vont de 50 millions par an à une centaine de millions de doses par an. Ce qui semble indiquer que la machine est bien mise en branle. Il faut juste veiller à ce qu’il y ait un transfert de compétence et de savoir-faire comme l’espère la Directrice régionale OMS, Matshidiso Moeti.

Avec Dakaractu

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