Economie

Abdou Karim Fofana : «le parc automobile au Sénégal est composé à 52% de 4×4»

Le Rond Point Case Bi à Dakar
Le Rond Point Case Bi à Dakar

Le porte-parole du gouvernement avait accordé un entretien à Bés-bi dimanche dernier cependant non publié à cause de l’accident tragique de Sikilo à Kaffrine. Mais, l’ayant appelé, jeudi par rapport à l’évolution de l’actualité, il a réagi suite à la sortie du Fmi, la hausse des prix du carburant et de l’électricité et le rapport de la Cour des comptes.

Quelle lecture faites-vous les mesures prises au lendemain de l’accident tragique de Sikilo ?

C’est une situation avec 41 personnes décédées dans ces conditions. D’abord, nous pensons aux familles éplorées, aux blessées parce qu’il y a des blessés graves. C’est une situation assez difficile et le gouvernement est à pied d’œuvre pour soutenir les blessés et les familles éplorées. Ça rappelle encore toutes ces mesures prises par le gouvernement pour renforcer la sécurité routière. On est allé même jusqu’à créer une Agence de la sécurité routière. Mais on voit que la route continue de faire des victimes. Nous avions mis à l’étude beaucoup de mesures drastiques.

Qu’est-ce qui nous assure que les 23 mesures prises pour lutter contre l’insécurité routière seront appliquées et ne connaîtront pas le même sort que les précédentes ?

L’Etat est déterminé et un dispositif de suivi hebdomadaire des décisions en conseils des ministres a été mis en place. La sécurité routière est une priorité pour le Gouvernement.

Le Fmi dit être attentif sur les suites du rapport de la Cour des comptes. Est-ce une pression sur le gouvernement ?

Le Fmi a dit aussi que c’était un bel exercice de transparence, que dans beaucoup de pays ce sont des cabinets indépendants qui le font et pas des institutions comme la Cour des comptes. Le Fmi a salué aussi le respect de la série d’engagements honorés par le Sénégal.

Le ministre de la Justice a saisi le procureur. Cela signifie quoi pour le gouvernement ?

Cela signifie comme indiqué auparavant que la réglementation en la matière sera appliquée comme prévue.

Comment faire pour que les mêmes pratiques ne reviennent pas ?

Nous y travaillons constamment avec beaucoup de campagnes de sensibilisation. A un moment, nous avons parlé du permis à points. Nous avons entendu les syndicats de transporteurs mais, je pense qu’on ne pourra pas continuer comme ça et le président de la République l’a rappelé plusieurs fois. Il y a eu en février 2022 un Conseil interministériel sur le sujet. Le Conseil interministériel de lundi nous a permis d’avoir des mesures fortes.

Qu’est-ce qui explique la hausse des prix du carburant et de l’électricité ?
D’abord, il faut savoir ce qu’est une année sociale. Les subventions n’ont pas été supprimées mais ajustées. Lors de la crise, nous avons fait des subventions généralisées sur certains produits. En 2022, nous avions 750 milliards de subventions sur les produits énergétiques. Ce sont les hydrocarbures, le carburant, l’essence, le gasoil, le gasoil pirogue… Ces efforts sont poursuivis puisqu’aujourd’hui, on a baissé la subvention mais on ne l’a pas enlevée. Je donne un exemple : vous achetez du gasoil qui aurait dû coûter 1200 ou 1300 francs. Avant cette nouvelle mesure, quand vous achetez un litre de gasoil à 655 francs, l’Etat cotise pour vous presque 430 francs. Aujourd’hui, on l’a diminuée mais lorsque vous achetez le gasoil à 755, l’Etat cotise pour vous 230 ou 250 francs. Si c’est l’essence, c’est à peu près la même chose. Donc nous allons maintenir les subventions mais nous les avons rendues plus soutenables parce que nous avons aussi des projets de développement et nous devons les rendre soutenables.

Nous avons aussi d’autres mesures sociales. Savez-vous que 52% du parc automobile qui fonctionne au Sénégal est constitué de 4X4 ? A priori, quelqu’un qui conduit une 4X4 doit avoir les moyens de pouvoir acheter son carburant sans subvention. Notre objectif était de faire baisser les subventions de 750 milliards à 450 milliards. Cette année nous allons faire passer la subvention à l’agriculture de 40 milliards à plus de 80 milliards. Nous allons faire passer la bourse de sécurité familiale de 25 000 francs à 35 000 francs par trimestre. L’idée est de rationaliser les choses et les envoyer vers les personnes qui en ont le plus besoin. C’est le même cas aussi pour l’’électricité. Celui qui a un salaire à millions et l’autre qui gagne moins ont le même niveau de subvention pour la première tranche sociale c’est-à-dire ceux qui consomment jusqu’à 150kwt/h. Mais on ne doit pas avoir la même subvention avec ceux qui ont 4 climatiseurs dans la maison ou 4 téléviseurs. C’est une question d’équité car les subventions sont faites pour ceux qui en ont besoin.

Est-ce que ces mesures ne sont pas dictées par le Fmi ?

Non. Le Sénégal ne reçoit pas d’injonctions du Fmi. Le Fmi a dit qu’il faut rétablir la vérité des prix. Nous ne l’avons pas fait parce que nous avons ajusté en fonction de nos réalités sociales et économiques. Le Président Macky Sall a des politiques publiques qui sont marquées par une orientation sociale très forte. La preuve ? Les subventions ne sont pas supprimées, elles sont régulées, ajustées, de façon que ceux qui en ont besoin, en profitent le plus.

Le gouvernement va-t-il suivre l’injonction du Fmi qui invite à supprimer ces subventions à l’horizon 2025 ?

Quelles que soient les orientations du Fmi, nous sommes un Etat souverain. Le Fmi est un partenaire du Sénégal et lorsqu’ils nous font des suggestions, c’est souvent très bon pour notre économie. Donc dans le cadre de cette collaboration, je pense que les suggestions vont dans le sens de nous faire maintenir le niveau de notre qualité de signature. Donc, nous apprécions et nous décidons. Aujourd’hui, nous faisons ce que beaucoup d’Etats ne font pas : subventionner le riz, le sucre, l’huile, le carburant, l’électricité… Nous continuons à le faire mais nous le faisons de manière plus ciblée.

Est-ce que c’est soutenable ?

C’est parce que c’est soutenable que nous le faisons. Je ne vais pas vous dire que c’est facile. C’est un exercice très difficile.

Est-ce que le Sénégal va respecter l’injonction du Fmi de supprimer toutes les subventions à l’horizon 2025 ?

Ça on ne peut pas le dire. Notre option est de soutenir les populations les plus défavorisées à chaque fois que nous le pouvons. Maintenant, nous sommes dans une année ou la croissance va augmenter. En 2022, nous avons subventionné près de 4% de notre Pib. C’est énorme ! Est-ce que c’est rationnel ? Oui parce que nous avons une économie qui croit ; Nous devons soutenir nos populations parce que le pouvoir d’achat est une question essentielle au Sénégal. Les mesures que nous avons prises, c’est juste de dire que ceux qui gagnent le plus, doivent soutenir plus le coût de l’inflation et ceux qui gagnent le moins, doivent être soutenus à la hauteur de leurs revenus. Nous continuons les subventions mais nous le faisons de façon équilibrée.

Pouvez-vous rassurer les populations que les prix dans le secteur du transport ne vont pas connaître une hausse ?

Nous allons entrer en contact avec les transporteurs. Je pense qu’il y aura même plusieurs sujets de négociations puisqu’avec les accidents, il y a lieu de parler de la sécurité routière. Mais nous allons parler avec les transporteurs et il y a une enveloppe dégagée à cet effet. Ce montant doit nous permettre de bloquer toute velléité d’augmentation des tarifs dans le secteur du transport.

L’Aftu a déjà rejeté cette subvention annoncée de 25 milliards et demande l’application de la vérité des prix…

Il faut se concerter. Nous ne sommes pas des acteurs uniques et solitaires. L’Etat pouvait décider mais nous préférons avoir ces acteurs qui sont nos partenaires et nous les soutenons dans le renouvellement de leurs moyens de transport. On l’a vu durant la période de la Covid-19 et c’était dans le cadre de concertations.

Entretien réalisé par Babacar Guèye DIOP pour Emedia

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